Quand on se promène
je ressens toujours la même émotion
quand elle me prend la main
et glisse la sienne dans la mienne
sa main est si petite
parfois je fais exprès de marcher à côté d’elle
les bras ballants
en attendant qu’elle me prenne la main
elle est très bavarde
elle connaît plusieurs maisons du quartier
dans lesquelles habitent des copains et des copines
qui vont dans la même école
mais quand elle me raconte
un dessin animé qu’elle a vu à la télé
je n’écoute pas
je fais simplement oui de temps en temps
on se balade ainsi
en dérivant sur les trottoirs
en direction du parc
on fait simplement attention de ne pas
marcher dans les crottes
de chiens
Pierre Tilman
Anthologie immédiate, Aérolite éditions, 54 p., 12 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Fondateur de la revue Chorus (1968-1974) avec Daniel Biga et Franck Venaille, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, poète, plasticien et critique d’art, Pierre Tilman fait souvent résonner les mots du poème hors des pages du livre, exposés sur les murs ou à l’occasion de ses nombreuses performances. Cette Anthologie immédiate rassemble en un court recueil sous couverture rouge incandescente plus de 70 poèmes, souvent très brefs, écrits sur près de cinquante ans. Souvent drôles ou corrosifs, ils jouent avec les mots, les corps, la pulsation des vies. Un petit livre d’une brûlante actualité qui dénonce, sans l’air d’y toucher, toutes les oppressions, financières ou sociales, avec tendresse et autodérision. Il écrit ainsi dans son poème Le Comble d’une ambition : « Ce qui manque le plus à notre époque/c’est un poète sans ambition/hé ho je suis là. » Une autre manière, très élégante, de faire sa révolution.
Stéphane Bataillon
Retrouvez ce poème dans La Croix l’Hebdo du 11 septembre 2021