Derrière moi
la voix du petit garçon :
« Oh ! C’est beau ! C’est beau !
On a changé de ciel ! »
C’est vrai.
Traversant l’épaisseur
l’avion a vacillé.
Par le hublot maintenant
le jour s’est levé.
Du bleu du jaune du rouge
et dessous
une mer de nuages ronds.
« C’est beau ! C’est beau ! »
– il répète sans arrêt.
Cela se voit.
Cela se dit.
Cela se vit.
On est passé de l’autre côté.
C’est concret
c’est abstrait.
Et c’est la poésie.
François de Cornière
Quelque chose de ce qui se passe, Le Castor Astral, 168 p., 14 €.
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
C’est une poésie ouverte, tracée à l’heure du café, lorsque la lumière de la côte Atlantique, où François de Cornière vit depuis dix ans, vient se refléter dans les fenêtres. Une poésie qui regarde passer l’époque et emprunte des bribes de monde pour s’élaborer sans hâte : un livre de Julien Gracq, un CD de Dire Straits, une scène des 400 coups regardée en replay, des citations saisies au vol à la radio. Mais aussi le parfum des saisons, la plage qui tente de faire oublier les soucis quotidiens et permettre le poème. Cet acte d’écriture dont l’auteur nous donne les conditions de sa création, au fil d’une vie presque comme les autres si ce n’était, justement, le surgissement de ce besoin d’écrire pour « Attraper ce qui fuit » et offrir ces instants en chaleureux cadeau. La poésie de François de Cornière fait du bien, comme une soirée passée avec un vieil ami, sans besoin, enfin, de porter un masque.
Stéphane Bataillon
Retrouvez ce poème dans La Croix l’Hebdo du 26 juin 2021