Pendant ce temps on joue au foot
tous les jours et tous les dimanches et tous les quatre ans
ce qui permettait à Pindare de glisser :
« j’ai dans mon carquois des traits rapides ;
ils savent pénétrer les bons esprits ;
pour atteindre la foule, il est besoin d’interprètes »
mais sans flûtes ni tambourins
le foot sonne faux
il ne joue pas vraiment l’exutoire
l’alternative
mais les enfants aiment le foot
taper dans un ballon être un héros
les olympiques aussi soignaient leur coiffure
cette ligne à mes vers comme une foot note
comme une note en bas de page de l’agôn
Claude Minière
Refaire le monde, Gallimard, 64 p., 11 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Dans la Grèce antique, l’âgon désignait tout autant l’assemblée que les joutes sportives et oratoires. Il caractérisait aussi une partie de la comédie grecque, lorsque deux personnages s’affrontent dans un débat. La petite foot note glissée ici par le poète, jeu de mots avec l’anglais footnote (note de bas de page) n’a rien d’anodin, à l’heure du début du nouvel Euro. Avec moins de cris, moins de public, mais charriant malgré tout sa part de rêves. Dans son nouveau Refaire le monde, Claude Minière, auteur de plus d’une vingtaine de recueils et d’essais depuis 1968, prévient « La chose paraîtra probablement comique. L’expérience poétique m’a amené à observer que les pensées les plus profondes sont celles qui enfoncent une porte ouverte. » Alors il rebondit sur les choses vues de notre contemporain, leur adjoint de légères références à la culture classique pour les épaissir, leur donner du relief et nous convaincre d’assister à une joute verbale et poétique propre à distraire nos jours, avant (ou après) le match.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’hebdo n°86)