J’ai toujours cueilli des mûres.
Je suis du côté des femmes.
Les hommes vont à la pêche ou à la chasse.
Les femmes cueillent, recueillent, accueillent.
Les mûres ne demandent qu’à être cueillies,
les femmes l’ont compris.
Elles le font sans effraction, sans violence.
Elles cueillent.
Pierre Tanguy
La cueillette des mûres, La part commune, 90 p., 13 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Récolter des mûres, les regarder, les laisser résonner dans les expressions de la langue, en relever les occurrences dans la poésie du monde entier. Se définir, même, par rapport à elles, du cueilleur de la préhistoire au cuisinier moderne de succulentes confitures. Dans ce petit livre, Pierre Tanguy, dont les mots de son sensible Petit carnet de paternité (La part commune, 2010) nous avaient durablement touchés, tourne autour de ce fruit sauvage pour dire en poésie son rapport au monde, entre émerveillement ininterrompu et regrets nostalgique d’un temps qui perdrait l’habitude de ces contacts simples avec le vivant. Pour se consoler, et nous donner envie de repartir à la cueillette, il cite, entre autres, le poète palestinien Mahmoud Darwich : « Tout ce que tes petites mains n’atteignent pas / t’appartient si tu maîtrises l’écriture. / Qui écrit une chose la possède. »
Stéphane Bataillon (@sbataillon)
Retrouvez cet article dans La Croix l’Hebdo du 17 mars 2021.