UPPLR #79 : Maison-tanière, par Pauline Delabroy-Allard

Dimanche 6 août

l’oiseau de feu
stravinsky dirige stravinsky
un vrai dimanche cette fois
la cloche de l’église le marché les fruits les légumes
le petit café de onze heures en terrasse
des invités invités à déjeuner dans le jardin
des miettes qui font une constellation
sur la nappe tachée de lumière
un bébé des chapeaux de paille peut-être une sieste
et même au loin le bruit d’un cirque
un dimanche bourgeois
je caresse l’idée de ne pas
revenir
de ne jamais rendre la maison tanière
princesse dans mon château fort
princesse autarcique
princesse aux ongles sales
sur la pochette du disque on peut lire cette histoire
Ravel ayant adoré le Sacre du printemps
composé après l’Oiseau de feu
dit à Stravinsky à propos de ce ballet
que voulez-vous
il fallait bien commencer par quelque chose
voilà
un vrai dimanche
il faudrait faire ça
oui
commencer par quelque chose

Pauline Delabroy-Allard

Maison-tanière, L’iconopop, 80 p., 13 €

Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :

 

Le premier recueil de Pauline Delabroy-Allard sort dans la jeune collection de poésie en poche L’iconopop. L’autrice de Ça raconte Sarah, roman d’une passion fulgurante paru aux éditions de Minuit en 2018, au large succès critique et public, propose avec ce Maison-tanière le journal poétique de l’écriture de ce roman et de ses conséquences. Poèmes datés et photos prises par l’autrice se mêlent autour d’une maison familiale, à la fois lieu de création et de refuge. Dans une première partie, « les jours absents », le recueil couvre la période de gestation du roman. Les références à la musique, de Beethoven à France Gall et aux Sex Pistols, pochettes de vinyles peuplant ce lieu à l’appui, sont omniprésentes. Les notes résonnent avec humour et violence mêlées, comme pour mieux électriser l’acte d’écriture. La seconde partie, « les jours couchés », correspond au temps de l’intense médiatisation de la sortie de son livre. La maison de l’enfance devient alors le lieu propice à la redécouverte du calme et de l’introspection. Un livre intime, très attachant.

Stéphane Bataillon
(@sbataillon)

Retrouvez ce poème dans La Croix l’Hebdo du 23 avril 2021

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