Les ruisseaux se sont réveillés.
La voix moins claire s’entrelace à la plus claire
comme se tressent leurs rapides eaux.
Pour qu’on me lie avec des liens pareils,
je veux bien tendre les deux mains.
Ainsi lié, je me délivre de l’hiver.
Philippe Jaccottet
Le dernier livre de Madrigaux, Gallimard, 48 p., 9 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Ce sont les derniers à paraître. Une trentaine de poèmes, rassemblés dans un mince livre, qui célèbrent une forme libre et classique de la poésie : le madrigal. Quelques mots lancés pour tenter de séduire l’aimée, qu’elle soit réelle, fictive ou incarnation d’une vie toujours en alerte. À 95 ans, Philippe Jaccottet nous a quittés le 24 février (lire La Croix du 25 février). C’était un « géant » de la poésie, même si le mot lui convient mal, lui si attaché à une forme de discrétion tranquille. Fait rare, il avait eu droit de son vivant à un volume dans La Pléiade. Reste son œuvre, ses traductions d’Homère ou de Rilke et ses vers rapportant les senteurs de la Drôme, où il vivait, ou de cette Italie qu’il adorait. S’en dégage une joie profonde, ayant traversé les ombres, concentrée vers la contemplation d’une nature en constant renouvellement. Lire Jaccottet, c’est boire à la source d’une parole amie, apte à éclairer notre quotidien de sa tendre lumière d’hiver.
Stéphane Bataillon
Retrouvez ce poème dans La Croix L’Hebdo du 6 mars 2021