J’ai tant de fois dit que l’attente
Était mon état le plus actif
Mais je ne sais pas ce que j’attends.
À ma table, la nuit ne rate aucun rendez-vous,
Son obscurité, fidèle à elle-même, s’empile comme des assiettes.
La mélancolie ne perd pas la moindre vague en cheminant vers ma tête. Elle frappe et laisse une côte à l’abandon et des cicatrices aux épaules.
D’une seule expiration, le souffle enflamme les tisons éteints
sur les chemins du messager.
Ô toi le mystérieux dont j’ai massé le front
Lors d’un moment de distraction assimilé à ma vie
Écarte un peu ton voile
Que je voie le signe qui te révèle.
Amjad Nasser
Le Royaume d’Adam et autres poèmes, traduit de l’arabe (Jordanie) par Antoine Jockey, Sindbad/Actes Sud, 176 p., 17,50 €.
Des paroles charriées par les vents d’un désert qu’on pourrait retrouver au coin de notre rue. « Qui/A surpris le printemps avec des roses/La bouche avec un baiser/Et la main avec une caresse ? », demande Amjad Nasser, pseudonyme du poète, romancier et journaliste jordanien Yahya ’Awwad al-Nu’aymi, décédé en 2019. L’anthologie de cette voix puissante de la poésie arabe contemporaine, qui sort dans la collection Sindbad, couvre quarante ans d’un chemin poétique aux formes très variées (prose, vers classiques, tentatives de bref extrême) et à la grande cohérence. Amjad Nasser mêle références aux textes et personnages des trois religions monothéistes à l’expérience de notre humanité. Les images d’Orient, gazelles, bédouins et hyènes se conjuguent avec les œuvres de Dante et d’Homère pour dégager ce qui participe de l’intemporel de nos vies. Une poésie qui résonne comme un chant qui ne cesserait de nous interroger. Entre deux brises.
Stéphane Bataillon
(Initialement publié dans La Croix l’Hebdo n°67)