Faites de l’endroit où vous vivez
un endroit où vous voudriez vivre à tout prix.
Faites de la ville où vous vivez
une ville où vous tueriez père et mère
pour pouvoir y vivre.
Faites du quartier où vous vivez
le quartier dans lequel vous rêviez de vivre
depuis que vous êtes petit.
Faites de la maison où vous vivez
la maison dans laquelle il était écrit
que vous alliez vivre un jour ou l’autre.
Faites tout ça.
Et puis cassez-vous.
Il ne faut jamais s’attacher.
Bruno Arcadias
Journal irrégulier, illustration de Léa Bertin-Hugault, ed. Conférence, 128 p., 17 €.
En utilisant l’autodérision et l’ironie, Bruno Arcadias transforme sa vie quotidienne en une drôle d’aventure. Ce recueil est présenté en grande partie sous la forme d’un journal, qui s’étale entre 2007 et 2018, marquant les jours d’une grande tendresse. Il y a un mélange de Prévert et de Richard Brautigan dans ces poèmes parfois très courts, tels que : « Depuis que tu es parti,/il manque quelqu’un,/mais je ne sais pas qui ».
Qu’ils parlent de trajets en RER ou de prière, de victimes de la mode ou des corps qui vieillissent, ces textes créent une tension entre l’existence, sa grandeur, son ridicule, et la société dans laquelle elle se déploie. Rehaussés d’illustrations nerveuses en noir et blanc dues à Léa Bertin Hugault, ces poèmes, dont beaucoup concernent la spiritualité, sont un petit régal.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’Hebdo n°66)