Je t’aime
voilà
c’est dit
Mais qu’ai-je dit
en te disant que je t’aime ?
J’ai dit je
j’ai dit tu
j’ai dit aime
Mais le chemin entre les deux
l’ai-je parcouru
avec toi ?
Je t’aime
mais qu’ai-je fait de ce verbe
trop grand pour moi
comme des habits de fête
qui ne sortent pas le dimanche
des chants
qui raclent au fond de la gorge
des pas qui trébuchent
aux frontières de la danse ?
Je t’aime
et je suis là
le verbe ballant au bout des bras
ne sachant plus que faire de mes mains
ni où les mener.
Yvon Le Men
Les Mains de ma mère, Illustré par Simone Massi, collection « Poés’histoires », Éd. Bruno Doucey, 64 p., 12 €.
Il y a toujours dans les poèmes d’Yvon Le Men des traces d’embruns. Ceux formés par les vagues brisées de sa Bretagne natale et qui semblent le poursuivre partout où désormais il se rend. Ces embruns, on les retrouve dans ce joli recueil, Les mains de ma mère, avec lequel l’éditeur Bruno Doucey inaugure la collection Poés’Histoire, qui entend rassembler les poèmes d’un auteur pour former une histoire. On suit Le Men sur « la route des souvenirs » qui remonte à son enfance, « quand les mots/ encore/ avaient du goût. » Les illustrations en noir et blanc de Simone Massi viennent y apporter gravité et profondeur.
Loup Besmond de Senneville
(initialement publié dans La Croix l’Hebdo n°6)