Le toit tombe sur la tête de Maruti.
Personne ne semble s’en soucier.
Pas même Maruti.
Peut-être qu’il préfère ainsi les temples.
Une chienne bâtarde a trouvé place
pour elle et ses chiots
au cœur des ruines.
Peut-être qu’elle préfère ainsi les temples.
La chienne vous regarde craintivement
par l’embrasure d’une porte encombrée de tuiles cassées.
Les chiots parias font des cabrioles sur elle.
Peut-être qu’ils préfèrent ainsi les temples.
Le chiot à l’oreille noire s’est éloigné un peu trop.
Une tuile craque sous un pas.
C’est suffisant pour emplir de terreur le cœur
d’un bousier
qui gagne précipitamment l’abri
que lui offre une boîte brisée
qui n’a jamais été déplacée
de sous l’écrasante poutre du toit.
Plus de place pour vénérer cet endroit
qui n’est rien moins que la maison de dieu.
Arun Kolatkar
Jejuri, traduit de l’anglais (Inde) par Roselyne Sibille, Banyan, 112 p., 16 €.
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
C’est une marche lente au cœur de l’Inde à laquelle nous convie ce recueil. Maruti signifie « fils du vent », un qualificatif du dieu-singe indien Hanuman, domestique du grand dieu Shiva. La ruine désigne, elle, le temple dédié à ce dieu, à Kare Pathar, en décrépitude lorsque le poète Arun Kolatkar (1932-2004) publia ce recueil en 1976. Jejuri, site de pèlerinage situé dans l’État du Maharashtra, est aussi le nom de ce livre fondateur de la poésie moderne indienne, aujourd’hui enfin publié en français grâce aux éditions Banyan, spécialisées dans la littérature indienne. Une poésie faite de choses vues et de subtils mouvements, un carnet de voyage où le sacré semble tout imprégner, des papillons virevoltants jusqu’au plus petit caillou.
Stéphane Bataillon
Chronique initialement parue dans La Croix L’Hebdo du 13 novembre 2020.