UPPLR #256 : Les rues étaient tièdes, par François Heusbourg

les rues étaient tièdes
j’oubliais qu’il s’agissait de toi et de moi
et finalement j’oubliais qu’il ne s’agissait
que de toi et de moi

parfois le simple fait que tu sois là
et que je sois là
est une raison suffisante pour s’aimer

les sirènes traversent la ville
mercredi premier du mois
sans incendie

à quoi bon être heureux

François Heusbourg
Une position pour dormir, Gallimard, 112 p., 16 €

Nous sommes rentrés. Hélas, cela arrive. « Rentré // forme courte / d’un long voyage. » Rentré en nous, de nos souvenirs, dans le quotidien des jours. Pas sûr qu’on ait tellement bougé. Mais autour, les choses ont changé. On s’en rend compte. En pensant à notre enfance, en remontant le cours. On aimerait bien en parler, à ses parents, à sa mère. On a failli mais… « nous taisons l’amour / quand il serait encore temps // le lendemain // je ne suis né pour personne. » Elle est partie. « Parfois je crois tenir ce que tu étais / toutes ces années ensemble / parfois je te regarde / et me souviens de toi. »

François Heusbourg, traducteur et éditeur de poésie, tenant la barre des éditions Unes, offre avec Une position pour dormir un recueil puissant et ciselé sur le deuil de la mère. Sur ce qu’il entraîne, sur ce qu’il modifie de notre relation au temps. Celui du monde, celui de notre vie, celui qui reste et qu’il faut recommencer, pour s’inventer de nouvelles raisons, « des raisons suffisantes / pour passer la nuit ».

Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’hebdo n°256 du 1 novembre 2024)