D’une main appliquée
tu traces sur la pierre
une marelle en noir et blanc
une case pour le jour
une pour la nuit
aucune étoile ne déborde
quand on te demande de sauter
par-dessus ces astres trop bien rangés
tu ris de ne pas trouver l’élan
la peur secoue sans bruit tes épaules
le rire est le chemin
qui te mène jusqu’aux larmes
sous tes yeux noyés
s’effacent les lignes de craie
libérant les couleurs du ciel.
Julia Peker
Marelle
Avec des dessins d’Ena Lindenbaur, Éd. L’atelier contemporain, 176 p., 25 €
C’est un recueil de poèmes pas comme les autres, au cœur de l’enfance. Non pas un état fantasmé, une nostalgie fixée sur papier, mais les gestes, les paroles, les silences d’enfants d’aujourd’hui. Ceux que Julia Pecker, psychologue clinicienne, a reçus en consultation. Des enfants qui ne vont pas bien, dont la route vers l’émerveillement au monde, pour mille et une raisons, a été déviée. Elle les reçoit, entre en communication avec eux, les observe, les écoute, et trace ensuite de nouvelles pistes. Mais pas que. Elle tire de chaque rencontre un poème. Manière de fixer en laissant libre, de permettre l’imprévu de l’instant : « pas à pas je te fais signe/glisse entre deux lego/où tu poses une fenêtre ». Dans sa préface à Marelle, le poète Jean-Louis Giovannoni rappelle sa méthode pour le bon diagnostic : « Elle nous rappelle, en filigrane, qu’il faut d’abord réparer ce qui est blessé en profondeur ; bricoler s’il le faut du provisoire, bouger même si c’est de peu, et surtout tenir dans le temps… pour que le chant puisse un jour reprendre. »
Stéphane Bataillon
(Initialement parue dans La Croix l’hebdo n°254 du 18 octobre 2024)