Si notre vie est moins qu’une journée
En l’éternel, si l’an qui fait le tour
Chasse nos jours sans espoir de retour,
Si périssable est toute chose née,
Que songes-tu, mon âme emprisonnée ?
Pourquoi te plaît l’obscur de notre jour,
Si pour voler en un plus clair séjour
Tu as au dos l’aile bien empennée ?
Là, est le bien que tout esprit désire,
Là, le repos où tout le monde aspire,
Là, est l’amour, là, le plaisir encore.
Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée !
Tu y pourras reconnaître l’Idée
De la beauté, qu’en ce monde j’adore.
Joachim du Bellay
L’Olive (1549-1550)
C’était donc lui ! Le 17 septembre, la présentation du résultat des fouilles archéologiques réalisées sous la cathédrale Notre-Dame de Paris, à l’occasion de sa restauration, a résolu une grande énigme : quelle était l’identité de l’occupant de l’un des deux cercueils lesté de plomb, preuve de son importance, découvert sous la croisée du transept ? Le premier corps, grâce à une plaque, avait déjà récemment été identifié : il s’agissait du chanoine et mécène de la cathédrale Antoine de La Porte. Mais le mystère restait entier pour le second. En recoupant de nombreux indices sur la morphologie du corps, les chercheurs sont arrivés à la conclusion qu’il s’agissait du poète Joachim du Bellay, dont la sépulture restait introuvable. Malade de tuberculose et atteint de surdité, le fondateur du groupe de la Pléiade, auteur du célèbre Heureux qui comme Ulysse est mort à 37 ans, en janvier 1560. Un temps chanoine de la cathédrale, il était le neveu de Jean du Bellay, éminent membre de l’Église, ancien évêque de Paris, cardinal et doyen du Sacré Collège de Rome. Ce qui ne l’empêcha pas de mourir dans une quasi-misère, après la mort de son protecteur Henri II.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’hebdo n°251 du 28 septembre 2024)