oublie ta fatigue
refuse de convenir
que tu as marché
en vain
jusqu’à ce jour
oublie ta fatigue
étouffe la voix
qui t’invite
à renoncer
et sache faire
meilleur accueil
à ton besoin
du retour
oublie ta fatigue
dresse-toi
à nouveau
chemine
à nouveau
n’admets pas
que ta patrie
soit l’exil
Charles Juliet
Extrait de Moisson (2012), P.O.L, 244 p., 9 €.
L’été se termine. Il est l’heure de rentrer, au rythme des écoliers, reposé et chargé d’une énergie nouvelle. Pour de nouvelles rencontres, de nouvelles émotions. En conservant les souvenirs accumulés. Durant l’été, un grand poète, Charles Juliet nous as quittés. Le grand public avait fait sa connaissance au fil d’un riche Journal comptant 10 volumes (tous publiés chez P.O.L), commencé en 1957, publié dès 1978 et dont le dernier et dixième tome, Le jour baisse, est paru en 2020. Une chronique à la fois tendre et douloureuse d’une vie difficile, d’enfant arraché dès ses trois mois à sa mère, souffrante de problèmes psychiatriques à enfant de troupe dès douze ans à l’école militaire d’Aix-en-Provence. Une déchirure qu’il tenta de recoudre, longtemps sans succès, par des paroles d’un amour empêché envers l’autre, envers lui-même. Un journal, mais aussi des essais, des entretiens (avec la peintre Fabienne Verdier), des romans (L’Année de l’éveil en 1989) et des poèmes, nombreux, tracés lors d’une vie qu’il consacra entièrement à l’écriture. La langue, pour lui, grâce à lui, a été cette force capable de transformer la gravité et l’angoisse d’une existence en source d’une forme de sérénité en clair-obscur. Une voix que ses nombreux lecteurs aimaient suivre, au gré de ses propositions, pour retrouver un état d’enfance au secret, où tout, et malgré tout, peut procurer l’élan nécessaire pour continuer notre chemin. Pas à pas. D’une rentrée à l’autre.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’Hebdo n°247 du 30 août 2024)