Je me souviens de m’être brûlée l’âme
La traversée du désert n’est pas en cause
Puisque le vent tellement puissant
Me laisse fouler l’immensité
Toute la nuit
J’ai écouté ton souffle
Ta respiration
Je me suis inventée gardienne
De la musique de ton âme
Je tire mon silence des bruits du monde
Je me tais
M’éloigne
Le désert haletant m’attend
J’aime croire qu’il peut m’envelopper
Le néant est proche
Un vide inutile et infini
J’ai vu tant d’êtres s’éloigner de la guerre
J’ai vu tant d’êtres dans l’attente de la paix
Seul le chemin compte
Comment arrive-t-on à l’absolu silence ?
Habiba Dajhnine
Voix Vives, de Méditerranée en Méditerranée. Anthologie Sète 2024, Éditions Bruno Doucey, 224 p., 20 €
Suspendre le temps et l’espace. Partir du silence et du désert. Rejoindre le souffle de nos respirations et, l’espace d’un jour d’été, chanter à l’unisson avec les bruits d’un monde qui serait, enfin, apaisé. Un idéal caché au détour d’un vers. En Algérie, où elle est née en 1968, le nom d’Habiba Djahnine est associé au monde de l’image puisqu’elle est l’initiatrice du collectif Cinéma Mémoire, atelier de création de films documentaires, et réalisatrice. Son long métrage Lettre à ma sœur est consacré à sa sœur Nabila, militante féministe assassinée en 1995 à Tizi-Ouzou. Sur le plan littéraire, elle est l’autrice de trois livres de poésie : Outre-mort paru en Algérie en 2003, Fragments de la maison publié par les Éditions Bruno Doucey en 2015, et Traversée par les vents, en 2023 chez le même éditeur. Comment arrive-t-on à l’absolu silence ? Pourquoi pas en s’abandonnant, chaque matin, à la lecture d’un poème.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’hebdo n°245)