« Le feu a détruit
2000 hectares de bois
sans toucher d’habitations. »
Que dire
des centaines de trous d’écureuils
dans les arbres
des centaines
de terriers de lièvres de blaireaux de renards
des fourmilières et des centaines
de nids
au sol ou sur les branches
et des milliers
de galeries sous l’écorce
et des fourrées en arceaux où se reposent
les jeunes faons
et des toiles d’araignées
ces habitations.
Irène Gayraud
Passer l’été, La Contre Allée, 96 p., 15 €.
Ce livre est un mémorial. Celui des chaleurs historiques ayant touché le pays (et une grande partie du monde) durant l’été 2022. Née à Sète, Irène Gayraud, écrivaine, poétesse et maîtresse de conférence en littérature comparée à la Sorbonne, livre la chronique sensible de ces événements. Ici, pas de statistiques, pas de personnification abusive d’une nature qui penserait par elle-même, mais des choses vues (« Le ruisseau est à sec/Plus aucun lambeau d’eau/sur les pierres »), des sensations et réactions de l’entourage face à ces bouleversements : On nous dit qu’il faut économiser l’eau/récupérer chaque goutte. /Les gosses entendent tout ça (…) Par peur de la sécheresse/ils n’osent plus pleurer. »
Les poèmes sont factuels, mais évitent la sécheresse qu’ils prennent pour objet par la précision des émotions et des souvenirs rappelés : « On se souvenait du jus frais/des cerises sous la langue. (…) Aujourd’hui on les cueille à demi cuites/les mange tiédies ». Irène Gayraud liste « Ce qu’il reste » : le signal martelé des piverts sur les troncs écorcés ; un peu de rosée, le frêne immense derrière la maison ; ce qui doit être sauvé. Mais aussi « Ce qu’il ne reste plus : le temps. » Un recueil qui permet à la question climatique de nous toucher au cœur tout en sublimant la beauté d’un été.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’hebdo n°238)