la dernière fois que les enfants ont vu grand-père
il ressemblait à un vieil arbre
allongé sur le lit
c’était une vision étrange
on devinait sous les draps les torsions de ses branches
son odeur de terre humide et le bruit des oiseaux
ça faisait de tout petits piou piou quand il ouvrait la bouche
les enfants intrigués par les battements d’ailes
collaient leurs corps de lait contre mon corps de mots
nous savions tous les trois qu’il nous faudrait bientôt
traverser la forêt
et ils n’avaient pas peur
et ils ne tremblaient pas
ils attendaient seulement le bon moment
pour poser leurs lèvres sur l’écorce
Murièl Modély
Dans l’anthologie Incarner, 30 poèmes pour dire le corps. Dirigée par Julien Bucci. Ed. la chouette imprévue, 110 p, 5 €.
Poème lu par Ann Gisel Glass à retrouver sur le Serveur Vocal Poétique tiroir 1/touche 9 (lire ci-contre).
Ce poème délicat pour parler du départ se lit et s’écoute. Il fait partie de la cinquième édition du Serveur Vocal Poétique, une initiative très originale qui, en ce Printemps des poètes, permet de découvrir la poésie sous un jour et avec des résonances nouvelles. Le principe est simple : 30 poètes contemporains ont été conviés à écrire sur le corps. Corps en jeu, corps en action, corps cabossé ou corps enlacés, chacun livre un court poème, reproduit dans cette petite anthologie de poche. On y retrouve les voix de Charles Pennequin, Victor Malzac, Orianne Papin ou Florentine Rey. Ces poèmes sont ensuite lus par les auteurs ou des comédiens, dont Élodie Laurent, de la Comédie-Française, Ann Gisel Glass ou Violette Blanckaert. Ils sont ensuite mis à disposition pour tous à travers un numéro de téléphone gratuit, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 : au 03 74 09 03 00 depuis la France ou au 02 315 44 44 depuis la Belgique. La poésie, vraiment simple comme un coup de fil.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’hebdo n°225 du 22 mars 2024)