J’acère mes idées
chiffonne des journaux
les froids d’hiver sans pardon
m’ont endurci les savoir-faire
je ne fige plus je fais face
les coyotes du soir
chantent de plus belle
pour la première fois ils me séduisent
j’ai envie d’être entourée d’eux
j’en viendrai
là c’est clair
à aimer la pénombre
à préférer au jour
mes nuits de veille
raconter le ruisseau gelé
la soif du lac abreuvoir
ce quelque part où enfin
étancher toutes les bêtes en moi
Gabrielle Filteau-Chiba
La forêt barbelée, préface de Cécile Coulon, Le Castor Astral, 120 p., 15,50 €
Née à Montréal en 1987, Gabrielle Filteau-Chiba a, durant trois ans, vécu seule dans une cabane sans électricité ni téléphone au cœur de la forêt québécoise, sur la rive de la rivière Kamouraska, affluent du fleuve Saint-Laurent. Une expérience qui lui a servi d’inspiration pour une trilogie de romans à succès comprenant Encabanée (Le Mot et le Reste, 2021), Sauvagine et Bivouac (Stock, 2022 et 2023). Son premier recueil de poèmes témoigne d’une autre manière de cet art de vivre au plus près de la nature. Au fil des quatre saisons, elle mêle ses observations, ses angoisses et ses aspirations. Écologiste et féministe, elle sait se mettre à l’écoute pour contempler et formuler ce bout de terre sauvage, pour y trouver sa place, ajustée. « Dans nos forêts nourricières/les plantes vénéneuses croissent/à saine distance des antidotes//s’équilibrent. »
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’Hebdo n°223 du 8 mars 2024)