Lucien Suel
Le livre des poèmes express, Dernier Télégramme, 504 p., 35 €.
Prendre un texte existant. Le découper, le raturer, l’agencer à sa manière pour donner naissance à une autre voix, mêlant celle de l’autre et la sienne. C’est la technique du cut-up. Lucien Suel, né en 1948, a commencé à la pratiquer en lisant en 1970 La Machine molle et Le Ticket qui explosa de l’un des inventeurs de cette méthode d’écriture créative, l’Américain William Burroughs. Pendant 35 ans, cet écrivain passionné de jardinage autant versé dans la contemplation de la nature que dans les expérimentations et les performances, a composé 1 000 poèmes express, dont la moitié est ici rassemblée. Une page de livre de poche, souvent issue d’un stock de romans à l’eau de rose de la collection « Harlequin », de grosses lignes noires recouvrant une partie du texte, l’éclosion de nouveaux sens par les phrases laissées libres.
Un moyen de produire « une poésie mécanique dans laquelle les images ne se créaient pas dans le cerveau, mais directement sur le papier ». Au contraire de la vitesse induite dans leur titre, on flâne sur ces pages, méditant sur ces mots enfin envisagés, avec une inédite considération. Le procédé, que l’auteur utilise pour mener des ateliers d’écriture, est très séduisant. Et l’on se prend à raturer le premier écrit sous la main pour tenter, nous aussi, de débroussailler la langue.
Stéphane Bataillon
Article initialement paru dans La Croix l’hebdo n°216 du 19 janvier 2024.