l’esprit pauvre
n’a rien
ne veut rien
ne sait rien
l’esprit pauvre
ne peut pas
tenir la pauvreté
ferme
ni même la
perdre
l’esprit pauvre est
un point de bascule
Paul Laborde
Le mot de pauvreté. Préface de Jean-Luc Nancy, Arfuyen, 114 p., 14 €
Certains grands mots circulent jusqu’à l’épuisement. Il faut parfois les recueillir, les laisser se reposer, puis les remettre en germe. C’est l’un des rôles, l’un des gestes, de la poésie. Tel est celui entrepris par Paul Laborde avec le – trop ? – beau mot de pauvreté. Le dépouiller de lui-même, pour l’ausculter, l’interroger, pour saisir ce qu’il contient d’insaisissable « le monde de pauvreté est / sans échelle / sans comparaison // on ne casse de chuter / de grandir » note Paul Laborde dans son nouveau livre, préfacé par le regretté Jean-Luc Nancy. Né en 1986, déjà auteur de quatre précédents recueils dont Sables (Cheyne, 2013) et animateur de la revue Conséquence, cet enseignant-chercheur dans une école de design propose une forme dépouillée pour ouvrir le poème à la mystique. Ici, le mot de « pauvreté » trouve comme compagnon de jeu le « rien ». Un « rien » nécessaire à son existence, notion proche du taoïsme et de Maître Eckhart. Ainsi le lecteur peut retrouver l’espace pour vivre sa pauvreté comme un mouvement intime : « un poème n’est pas / une prière // n’est pas / assez creux ». Un livre lumineux.
Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans La Croix n°206 du 3 novembre 2023)