UPPLR #205 : Le monde est une jungle, par Falmarès

Je suis ce poète à langue d’oiseau
Fils d’Afrique lointaine
Petit-fils de griot et de paysans
Et descendant premier de Césaire et Senghor.

Le monde est une jungle
J’invoque la mémoire des ancêtres
Et des poètes assassinés
Pour une terre en éclosion.

Je convoque le Temps,
Le héros de la vie et le meurtrier des héros
À la lumière des jours
À la mémoire prodigue des feux

D’ici et d’ailleurs partout encor
Partout surtout le ciel est une jungle.

Je suis ce poète à langue d’oiseau
Fils d’Afrique lointaine
Petit-fils de griot et de paysans.

Nantes, 11 janvier 2021

Falmarès

Catalogue d’un exilé, Flammarion, 240 p., 21,50 €

Il n’a que 22 ans et les poèmes de son recueil réussissent déjà, au rythme de la kora de sa Guinée natale, à transmettre l’exigence accueillante d’une poésie qui est « pure manifestation de l’émotion ». Né à Conakry, arrivé en Bretagne à l’âge de 17 ans, ce « réfugié poétique » a dû quitter son pays après la disparition de sa mère. Relié par la force de la langue, celle de Senghor et de Rimbaud, il tente ses premiers poèmes en atelier d’écriture et est rapidement remarqué. En 2020, il reçoit le prix Lycée de poésie de l’Unicef après deux premiers recueils. Dans ce Catalogue d’un exilé, préfacé avec enthousiasme par le grand poète Nimrod, Falmarès tisse ses souvenirs de migrant avec les échos d’autres souffrances, d’autres histoires, d’autres parfums apportés par la mer. Il rassemble, en quelques vers, la quintessence d’une ­expérience humaine aboutissant, déjà, à une transmission, mais pour mieux rebondir dans le regard de l’autre, en guise de reconnaissance. « Je suis une
bibliothèque publique / Où germe le poème des continents
», écrit-il. Nous tiendrons avec lui la lampe de lecture.

Stéphane Bataillon

(Article initialement paru dans La Croix du 27 octobre 2023)