Comme un oiseau dans la tête
Le sang s’est mis à chanter
Des fleurs naissent c’est peut-être
Que mon corps est enchanté
Que je suis lumière et feuilles
Le dormeur des porches bleus
L’églantine que l’on cueille
Les soirs de juin quand il pleut
Dans la chambre un ruisseau coule
Horloge aux cailloux d’argent
On entend le blé qui roule
Vers les meules du couchant
L’air est plein de pailles fraîches
De houblons et de sommeils
Dans le ciel un enfant pêche
Les ablettes du soleil
C’est le toit qui se soulève
Semant d’astres la maison
Je me penche sur tes lèvres
Premiers fruits de la saison.
René Guy Cadou
Hélène ou le règne végétal, Seghers, 160 p., 16 €
Dédié à sa femme, Hélène ou le règne végétal de René Guy Cadou (1920-1951) est l’un des recueils majeurs de la poésie du XXe siècle. Un chant d’amour, composé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à sa mort prématurée, dont les couplets ont été rassemblés et publié en 1952 par celle qui les avaient inspirés, Hélène Cadou, mariée au jeune poète dès 1946. Cadou, c’est une poésie qui revient à l’essentiel, mêlant le cours des vies quotidiennes (le décès du père, les souvenirs d’enfances, la chaleur des amis) à une nature habitée. Avec ces artisans, maraîchers ou chauffeurs de taxi, qui peuplent villes, forêts et prairies. Où les oiseaux, la pluie, le figuier, s’unissent pour nous murmurer quelques secrets, chants d’amour et échos de la Bible mêlés. Instituteur en Loire-Atlantique, Cadou fut le fer de lance de cette poésie lyrique et accessible, à portée de main, qui se déploya au sein de l’école dite de Rochefort, avec d’autres comparses tels que Jean Follain, Jean Rousselot ou Luc Bérimont. Relire ces pages, dans l’élégante réédition en semi-poche de son éditeur historique est une invitation à déclarer sa flamme au plus proche des sources.
Stéphane Bataillon
(Initialement publié dans La Croix l’hebdo n°186)