Ils regardèrent le monde,
Si peu nombreux,
Qu’ils se connaissent tous
Et si démunis
Qu’ils ne possédaient rien
Ils regardèrent le monde
Et demandèrent
À qui appartenaient ces terres,
Ces champs, ces jungles et ces mers,
Ces montagnes et ces plaines,
Ces déserts
Venus solitaires et affamés
Sans avoir rien demandé,
Ils étaient nus
Et ils avaient faim,
Cette faim terrible des hommes qui naissent
On leur répondit
Que des feuilles d’arbre
Aux grains de sable,
Des gouttes de pluie
Aux grains de poussière,
Tout était acheté.
Il ne restait que les étoiles
Les étoiles inaccessibles
Alors, ils décidèrent que le monde était à eux
Éphémérides, Plon, 128 p., 14,90 €
Romancier, aviateur, écrivain de la marine, Patrice Franceschi arpente le monde en aventurier pour en ramener les parfums. Il les conserve dans ses récits et ses essais. Prix Goncourt de la nouvelle en 2015 pour Première personne du singulier (Éditions Points), il propose dans ces éphémérides une salve de poèmes
issus de ses expéditions. Nombre d’entre eux comportent seulement quatre vers. Une forme originale en dix-sept pieds sans rimes qu’il a baptisée Kor-Waï. Inspirés par les haïkus japonais, ils lui permettent de capturer ces instants fugaces glanés aux méridiens : « Sur un quai de nuit blanche / Face aux grands cargos vides / Un marin / Assis ». Une façon élégante, au fil de nos jours, de voyager léger.