De l’hirondelle ou
de la bergeronnette,
laquelle m’apprend, ce matin,
à préparer ma journée ?
laquelle, en son apparente
insouciance, interroge
la lumière ruisselante
parmi les herbes humides ?
les deux, sûrement, qui
chassent la lourdeur
des voix accumulées dans
ma parole où j’aimerais,
de toutes mes forces, concentrer
l’intérieur de ma vie,
celui du monde aussi
qu’un vibrant coup
d’aile ramène à la surface
des âges oubliés qui cherchent avec
moi un asile, entre mémoire
et présent, souvenir et bonheur
d’être ici, là, plus loin, ailleurs,
pour que je sois humainement
un seul et plusieurs à la fois.
Richard Rognet
Le Porteur de nuages, Éditions de Corlevour, 80 p., 15 €
Dans ce nouveau recueil de Richard Rognet (grand prix de poésie 2002 de la Société des gens de lettres), les poèmes coulent de source. Ils sont à lire d’une traite, aussi rapide que l’oiseau. Dans le poème particulièrement, la présence des animaux, avec leur forte charge symbolique, permet d’identifier ce qui arrive, de puiser dans leurs vertus héritées au fil des histoires. L’hirondelle, heureux présage, permet grâce à son vol au long cours de repousser notre horizon. Elle est aussi ce signe du retour au foyer, là où la bergeronnette, esprit protecteur familier des troupeaux, reste à portée, toujours en recherche de nourriture. Des parallèles entre nous et les autres vivants peut-être pas si innocents. En s’identifiant et se comparant à eux au travers de la langue, il s’agit bien, aussi, de faire cause commune sur cette même terre.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’Hebdo du 8/07/2023)