Je n’ai pas été aimé pour une seule bonne raison
Parce que je n’ai pas été aimé.
Je me suis consolé en retournant tout seul au soleil et sous la pluie,
Et en m’asseyant à nouveau sur le pas de ma porte.
Les champs, en fin de compte, ne sont pas aussi verts pour ceux qui sont aimés
Que pour ceux qui ne le sont pas.
Ressentir, c’est avoir l’esprit ailleurs
7 novembre 1915
Fernando Pessoa
Poèmes jamais assemblés d’Alberto Caeiro, de Fernando Pessoa, Ed. Unes, 56 p., 16 €
Cette nouvelle traduction publiée par les éditions Unes rassemble des poèmes dans lesquels de Fernando Pessoa n’a de cesse de vouloir démonter la mécanique des sentiments. Le poète portugais n’en finit jamais de déconstruire les impressions et les interprétations, pour tenter de toujours saisir la matière brute du monde qui est le sien. Pourtant, sa poésie du premier degré est tout sauf le matérialisme auquel certains veulent parfois réduire ce poète de la première moitié du XXe siècle. Il appelle plutôt à être attentif à « la réalité qui ne fait jamais défaut ». Pour mieux « être heureux quand nos pieds touchent enfin le sol ».
Loup Besmond de Senneville
(Initialement publié dans La Croix l’hebdo n°14)