Les sacs sont légers, les chèvres sont sèches ;
vient un pauvre, il s’assoit sur les talons,
on n’en a nul souci, qu’il meure de faim s’il le veut !
La sécheresse pèse sur le pays comme le mont Oûdan ;
elle se lèche les lèvres de satisfaction, elle ne recule pas d’un pas ;
elle veut nous ôter jusqu’à nos voiles de visage
et nos pantalons, et nous empêcher d’aller aux réunions galantes.
Les chamelles et les chamelons d’un an sont arrêtés et retenus aux lieux où ils sont, tant ils sont épuisés ;
Les chameaux s’arrêtent en plein désert sans pouvoir avancer, de faiblesse ;
qu’arrivera-t-il, à plus forte raison, aux petits des vieilles chèvres
qui à grand-peine déplient leurs articulations pour marcher ?
Khamid agg Afiser (1825-1900)
Chants touaregs, recueillis et traduits par Charles de Foucauld
En 1907, Charles de Foucauld se fait ethnologue et folkloriste et recueille plus de 6 000 vers de la poésie touarègue. Il poursuivra, jusqu’à ses derniers jours, la traduction de 573 poèmes qui n’existaient qu’à l’état oral. Ils seront publiés en deux volumes en 1925 et en 1930, et partiellement réédités en 1997 sous le titre Chants touaregs chez Albin Michel (352 p., 18,60 €), présentés par Dominique Casajus, spécialiste de ce peuple. « Tout le monde fait des vers toujours rimés, et rythmés d’après plusieurs rythmes », note Charles de Foucauld, qui enrichira chaque texte d’informations sur les thèmes et la vie de chaque poète. Une œuvre utile et belle pour nous plonger dans la culture et l’âme des « hommes bleus » du désert.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix L’hebdo n°132 du 13/05/2022)