le troglodyte me dit
qu’il est lui aussi le centre du monde.
remuant il remue le soleil.
il me dit
. que son chant
est un univers
. semblable à l’univers.
la montagne
. avatar du troglodyte :
même bec
mêmes ailes
même mangeuse de papillons.
odeur de plumes :
un incendie lointain,
sans doute celui du monde.
Pierre Garnier
Pourquoi l’oiseau, L’herbe qui tremble, 644 p., 30 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon):
Le troglodyte mignon est l’un des plus petits passereaux d’Europe, mesurant moins de 10 cm et ne pesant que 8 g. C’est lui, parmi tant d’autres, que Pierre Garnier célèbre dans cette riche somme rassemblant ses œuvres consacrées aux volatiles. Poèmes écrits, dessinés, typographiques, chroniques données de 1976 à 1989 au Journal des oiseaux : le poète picard, décédé en 2014, a fait de ces animaux l’un des motifs principaux de son œuvre prolifique et inventive. Le symbole d’un vivant à la fois plus fragile et plus pérenne que nous, apte à nous informer du monde : « Les mains les ailes : même écriture / même vol. » Dans un beau livre poème, Les Oiseaux chantent l’éternité, Pierre Garnier écrivait en 1989 : « Je vieillis / mois après mois / mes mots s’éteignent // sont remplacés par des chants d’oiseaux // Les livres sont brûlés // il reste l’oiseau/livre de l’espace. » Un livre comme un moment suspendu, posant délicatement les mots sur la page, comme d’autres font leurs nids.
Stéphane Bataillon (@sbataillon)
En partenariat avec l’émission « Poésie et ainsi de suite », de Manou Farine, chaque samedi à 17 h 30 sur France Culture. Disponible sur franceculture.fr et l’appli Radio France.
Retrouvez ce poème dans La Croix L’Hebdo n°126 du 1 avril 2022.