Il pleut
La transparence
Au cou des choses
Se précipite
C’est l’heure
De la distribution
D’invisibles cailloux
Ricochent
Contre la fenêtre
Qui pleure
Sans essuyer ses larmes.
Jean-Michel Maulpoix
Rue des fleurs, Mercure de France, 100 p., 14 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Alterner le courant des choses et le destin des hommes. Mêler, en une gerbe, la vie à l’hôpital – ces brancardiers qui « transportent/On ne sait où/Des Christs de toutes sortes » ou le drame des émigrés avec leur « vieil édredon de laine/Bourré comme un nuage qui va pleuvoir » – à un éloge de la gentiane des neiges « Tendre fragment tombé sur la montagne ». C’est tout l’art de Jean-Michel Maulpoix que de porter une poésie débarrassée d’un lyrisme masquant parfois, sous couvert d’approbation par le récit de nos grands drames ou de nos plus belles joies, la brutalité du monde et des vies alentour. D’allier ce qu’on n’ose pas voir, pas dire, pas éprouver de peur d’être ébranlé, avec la certitude que notre parole, singulière, peut aider, malgré tout, à bien vivre au milieu des autres. Ces vers, remplis d’étincelles et de parfums de fleurs, sans fausses illusions (« Ne me parlez donc pas du langage des fleurs/Car leur vertu première fut de rester muettes. ») nous permettront peut-être de soutenir d’autres regards, sans assombrir nos yeux. Au risque d’un silence. « Ceux qui n’ont pas de visage/Balbutient dans la nuit/Ils mâchent quelques miettes de pain bleu/Tombées d’un ciel vide. »
Stéphane Bataillon
Article initialement paru dans La Croix L’Hebdo n°118 du 4 février 2022
En partenariat avec l’émission « Poésie et ainsi de suite », de Manou Farine, chaque samedi à 17 h 30 sur France Culture. Disponible sur franceculture.fr et l’appli Radio France.