Tu n’es pas originaire de nos contrées.
Il te manque le pedigree
qu’exige la bienséance.
En dépit de ton abondance,
notre intolérance à tout ce qui est translucide
te rend à nos yeux négligeable.
Ceux qui t’apprécient
sont d’une autre espèce.
Ton apparence fait scandale :
le corps d’un melon d’hiver
anémique et cristallin
comme le sein d’une princesse
et imbibé d’eau de rose.
La classe moyenne t’ignore
et serait déconcertée
par la façon dont tu exploses dans la bouche
et te dissous en un éclair.
Amit Chaudhuri
Gourmandises, traduit de l’anglais (Inde) par Annick Le Goyat, Globe, 102 p., 14 €.
Petha : Friandise typique du nord de l’Inde, à base de melon et de sucre.
Écrivain, critique et poète indien né en 1962 et diplômé d’Oxford, Amit Chaudhuri se souvient de la cuisine indienne de son enfance, de la première fois où il a mangé avec les mains, du goût des friandises de Bombay ou de celui des sandesh, petits gâteaux secs de lait caillé. Une délicieuse nostalgie ? Pas que. « J’ai dit maman. / Ce n’était pas vraiment un appel / ni une invocation. / Ça venait de l’enfance. / Un soupir d’émerveillement, /une expression de lassitude éphémère /et d’amour. » écrit-il.
Revenu à Calcutta en 1999, Chaudhuri mêle à cette plongée dans ses souvenirs ses observations minutieuses de l’Inde d’aujourd’hui. Promenades dans les ruelles, rencontres, senteurs… tel un chef choisissant ses ingrédients parmi le grouillement des étals de la vie, il conçoit la carte d’un restaurant imaginaire. Nous sommes ainsi conviés à une dégustation fastueuse et colorée qui procure en bouche « non un plaisir euphorique/mais un bonheur mesuré,/nourri de la certitude d’y revenir. »
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’hebdo n°113 du 31/12/2021)