Je te regarde et le soleil grandit
Il va bientôt couvrir notre journée
Éveille-toi cœur et couleur en tête
Pour dissiper les malheurs de la nuit
Je te regarde tout est nu
Dehors les barques ont peu d’eau
Il faut tout dire en peu de mots
La mer est froide sans amour
C’est le commencement du monde
Les vagues vont bercer le ciel
Toi tu te berces dans tes draps
Tu tires le sommeil à toi
Éveille-toi que je suive tes traces
J’ai un corps pour t’attendre, pour te suivre
Des portes de l’aube aux portes de l’ombre
Un corps pour passer ma vie à t’aimer
Un cœur pour rêver hors de ton sommeil.
Paul Éluard
Derniers poèmes d’amour, Seghers, 176 p. 14 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Après quelques années de moindre activité, les mythiques éditions Seghers reviennent sur le devant de la scène en proposant, entre autres, de nouvelles éditions de leurs livres phare. Dans un élégant format rappelant la grande collection « Poètes d’aujourd’hui » qui fit découvrir, dès 1944, la poésie au plus grand nombre, ces Derniers poèmes d’amour rassemblent les vers inscrits par Paul Éluard durant les dix dernières années de sa vie. Des poèmes entre passions et perte (celle de Nusch, sa bien-aimée partie en 1946) pour fixer et sublimer l’amour lorsque « Le temps déborde ». L’éclairante nouvelle préface de Jean-Pierre Siméon redonne à ce poète toute son actualité. Grand créateur d’images partant du quotidien pour célébrer l’amour et la fraternité, Éluard affirmait : « Tout est nouveau, tout est futur. » Il avait réussi à dépasser le temps. À nous de le relire.
Stéphane Bataillon
(Poème à retrouver dans le numéro 101 de La Croix L’hebdo du 2 octobre)