Quand je commence à faire des nuits je suis
encore bien naïf
je crois
que la nuit
c’est comme le jour
qu’il faut
se mettre en quatre pour les patients
être aux petits soins
courir de l’un à l’autre.
Ce que je vais apprendre :
c’est que la nuit
n’est pas le jour
il ne faut pas
se mettre en quatre
il faut faire ce qu’on a à faire
puis dire bonne nuit
doucement
et se fondre
dans l’obscurité
et ne faire plus qu’un
avec elle
et bien comprendre que
si le jour est un magma visqueux de perfusions de sang et de
solutions thérapeutiques
la nuit elle
la nuit est le silence
quelques veilleuses
des silhouettes indistinctes qui passent dans votre chambre
pour vérifier
que vous respirez toujours.
Sammy Sapin, J’essaie de tuer personne, Ed. Le Clos Jouve, 80 p., 19 €.
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Sammy Sapin nous raconte, en poèmes, les souvenirs de ses premières années d’infirmier. Des scènes vécues au plus proche des corps, des émotions, des situations rendues tendres ou comiques malgré, ou à cause de, la souffrance tout autour. Sans rien enjoliver de cette confrontation nue avec les malades et les autres soignants. Les peurs, les cris et les sourires de chacun. Sans emphase ni misérabilisme, Sammy Sapin dépeint son expérience « en première ligne » avec justesse, sincérité et une écriture d’une grande fluidité.
Stéphane Bataillon (@sbataillon)
Retrouvez ce poème dans La Croix L’Hebdo du 9/10 mai 2020, en kiosques et en numérique, et sur le blog : https://poesie.blogs.la-croix.com/