Aller en forêt
avec une hache,
pour en rapporter un piano.
Avec une serpe,
pour en rapporter un violon.
Avec une faucille,
pour en rapporter une flûte.
Puis se laisser guider par un aveugle
pour écouter les bruits de la rue.
Se laisser guider par un sourd
pour écouter le silence
où se réfugient les objets.
Gérard Macé
Silhouette parlante
Gallimard, 108 p., 15 €.
« Aujourd’hui je suis revenu au cœur des mots : je ne les cherche plus, ils viennent tout seuls ». Grand Prix de poésie de l’Académie française en 2008 et Grand Prix de poésie Robert Gonzo en 2023, Gérard Macé livre, avec Silhouette parlante, un recueil sur l’art d’écrire son propre réel teinté d’une mélancolie amusée. Se jouant du destin, il rapproche dans les mêmes phrases les éléments de hasards malheureux, « la tuile qui tombe sur nos têtes et l’astéroïde dans le désert » comme ceux source de joie : « l’aventure au coin de la rue, la mémoire retrouvée ». S’il annonce, dès le début du livre, un apparent définitif « je n’écris plus. » après plus de cinquante livres publiés depuis le milieu des années 1970, c’est pour mieux nous entraîner dans un tourbillon de choses et d’êtres parlants autour de lui. Une danse tourbillonnante et joyeuse, signe d’une « Vie intérieure où le fœtus/contemple le vieillard, /bouche bée devant les rides/bouche bée devant les vagues. ». Des mots pour dire un quotidien à la fois simple et enchanté par la création et pour profiter du temps qui reste, « une poche d’air sous l’avalanche ».
Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans La Croix l’Hebdo n°266 du 18 janvier 2025)