Un poème pour la route #232 : Les parents, par Orianne Papin

Les parents voulaient sans cesse l’ailleurs
d’autres couleurs
les bateaux, les montagnes et la mer
nous les suivions indifféremment

dans notre petit sac à dos
quelques histoires à écouter
une luciole qui sentait la lessive
un carnet, des crayons

nous dormions peu importe les sols
dans la garrigue
les buvettes
et les aéroports

blottis dans nos duvets
nous étions
partout
chez nous.

Orianne Papin

C’était pour du beurre, Éditions Bruno Doucey, 112 p., 15 €

L’enfance est infinie source d’inspiration des poètes. Orianne Papin, dans son deuxième recueil, ne fait pas exception. Les mots, simples et universels, qui composent C’était pour du beurre évoquent avec bonheur les dix premières années de la vie. Un temps au cours duquel les cailloux s’entassent dans les poches et où l’insouciance est à peine entravée par les mises en garde des « parents », celui des feux rouges et des inconnus, des guêpes et des allumettes, du soleil qui brûle trop fort et des couteaux. Dans ce monde, à l’ombre de Roald Dahl et de Mary Poppins, retrouvé par Orianne Papin, les enfants courent et les grands-mères se taisent, bienveillantes. Face au « grand vacarme du monde », il y a le grand mystère des années de l’enfance. Huit ans, l’âge auquel « Aller à la boulangerie / C’était pas plus facile / que traverser la mer / de la plage à la crique / sur mon bateau gonflable ». Huit ans, l’âge auquel tout se joue, et tout se vit. Bien plus sérieusement, au fond, que dans le monde des adultes.
Loup Besmond de Senneville 

(Article initialement paru dans La Croix l’hebdo n°232 du 11 mai 2024)