Merci à Gilles Donada d’avoir consacré un bel article à mon livre Les heures décisives (éditions DDB) dans La Croix :
« Les heures décisives » de Stéphane Bataillon : un poète en quête de monastère
Le poète et journaliste Stéphane Bataillon retrace dans un journal spirituel intime et savoureux les fruits de sa découverte du monde monastique et de la pratique du jeûne, qui le mèneront jusqu’au baptême.
« Je me sens changé. Bougé », note dans son journal de bord spirituel le poète Stéphane Bataillon. Il y a des bouleversements intérieurs qui se produisent par petites touches, presque imperceptibles. Pour en partager les vibrations, le journaliste à La Croix l’Hebdo s’est transformé en « reporter intérieur » : il s’est immergé, pour la première fois de sa vie, dans une retraite au monastère breton de Landévennec puis dans une session de jeûne et de prière à l’abbaye de Pradines (Loire).
Le presque quinquagénaire, qui tressaille de joie au contact de la spiritualité et de la poésie, est venu se mettre à l’école des « maîtres du silence » : la nature qui enveloppe ces abbayes et les offices qui scandent les jours et les nuits. Lui qui a connu le lourd silence d’une chambre d’hôpital, où Sarah, sa femme, décède à l’âge de 30 ans, veut se « se retirer au-delà de ce silence qui criait trop fort ». « Je me disais que le seul lieu pour l’étouffer était un monastère. » Au fil des journées, il s’aperçoit qu’un « dialogue est possible avec tous (s) es silences ». Petit à petit, il arrive à les « apprivoiser », à les « habiter en toutes circonstances », « à ne plus en avoir peur ». Au « silence de mort » succède un « silence de vie ».
Des mots contre la mort
Contre la mort, il y a les mots. « J’ai commencé à écrire de la poésie dans les ténèbres. Dans le silence de l’absence. Dans la disparition de mon amour. Poème après poème, la poésie m’a fait remonter au jour. » Avec des mots bien vivants qui ne sont « pas faits pour rester enfermés sur la page » mais « pour être dits, projetés et reçus ». Des mots dansants qui entrent en résonance avec la mélodie des psaumes, avec les apophtegmes des ermites du désert… Des mots à émonder, aussi.
« Un lent travail de réduction, de concentration jusqu’aux seuls mots indispensables. Jusqu’à la densité de la pierre. Mais en veillant à laisser de l’espace, du blanc, des respirations, pour que celui ou celle qui l’entendra, puisse y trouver des prises. » Stéphane Bataillon connaît « la joie de manduquer la parole comme un plat délicieux ». Une nourriture solide qui le préserve mystérieusement des tiraillements du manque provoqués par le jeûne.
Et puis il y a la « chaleur » des rencontres et la « tendresse joyeuse » des conversations avec frère Gilles et avec les autres retraitants. « Je suis toujours autant surpris par les échanges immédiats de nos histoires intimes. » Des échanges d’où fleurissent des paroles en forme de présent. « Il faut de l’alternance, des contrastes entre ce qui est en train de naître ou ce qui est en train de mourir pour que la photo soit intéressante », lui explique la photographe Aïcha. Durant la semaine de jeûne, chaque participant devient « l’ange gardien» secret de deux autres personnes pour s’assurer de leur bonne santé. Cela « fait partie de ce « prendre soin » : soin de son corps, soin de son intériorité, soin de la parole et soin de l’autre. »
Ces temps de retrait préparent un pas en avant. « C’est devant la grande croix de (l’) abbaye (de Landévennec), et à la suite de nos discussions, que j’ai en grande partie décidé de sauter le pas », celui de recevoir le baptême dans la confession protestante, « après trente-trois ans d’un flirt plus ou moins buissonnier » avec des assemblées issues de la Réforme où il s’est délecté du « bonheur de la rencontre » et de cette « fraternité joyeuse ».
Sabine, sa nouvelle épouse, est elle-même issue d’une famille protestante depuis plusieurs générations et compte trois pasteurs successifs. Le protestantisme lui offre une « incroyable liberté ». Il y trouve un « rapport sain avec l’autorité et le pouvoir », un « espace pour le doute, les expériences confiantes, les questions ouvertes… et le retour sur ses pas. Évangile et liberté. »
Les heures décisives parlent de « notre bonne heure ». Elles nous sont racontées à la façon dont son ami, le poète breton Yvon Le Men, recommande de réciter un poème : « Ne mets pas d’emphase, ne le joue pas. Mais dis-le le plus simplement possible, comme si tu le rapportais à un ami, comme une accolade. »
Gilles Donada