Auberge clairsemée
beaucoup semblent partis
ayant repris leur route
s’asseoir dans un coin sombre
avant le premier gong
prendre le temps de sentir
toutes les tensions du corps
tire / gargouille / lance / fourmille
seulement vouloir
que ça se calme
ce n’est
pas tranquille
pas zen
du tout
au début
ça bouillonne
ça tourne
ça tremble
ça tire
aux articulations
ça fait mal
aux genoux
– pourquoi on s’inflige ça ?
ça flingue le dos
– pourquoi –
ça touche au sublime
de ta moelle épinière
et puis
la vacuité
l’espace
qui commence à être libre
comme un coin de ciel bleu dans la grisaille des pierres
/ mais tu vas arrêter avec ces images à la con / mais c’est bien des fois des images simples on voit tout de suite à quoi on pense et / non, c’est trop facile, tu changes / et si on essayait ? / non / et si…
pftttt ça passe
ça arrive
ça commence
ça repart
et l’on se rend compte que cette légère lumière sous les paupières, qui semble changer de forme et d’intensité, alternant figures géométriques puis nuées, ressemble étrangement aux premières photographies des trous noirs vues dans la dernière mise à jour de l’Universalis / on pense à notre encyclopédie Universalis et on se dit qu’on a vraiment bien fait de la conserver / que c’est le fleuron de notre bibliothèque et que
bref coup sur l’épaule
rappel au réel
reprendre le décompte
de nos respirations
il y a des cris dans la rue
inspir
je jette un œil sur la méditante d’en face
voir comment elle joint ses mains
expir
je referme les yeux
j’essaye de me tenir droit
de redresser ma tête comme si un fil la rattachait au ciel
je me sens bien
calme
la lumière fourmille
dans un grand champ
électrique
je sens que
gong !
fin de l’illumination.
(Extrait du recueil Permettre aux étoiles, éditions Bruno Doucey, 2014)