Laisser le poème agir. Laisser se déployer en nous ses images, ses mouvements, la relation de créateur à création que nous entretenons avec les mots, leurs agencements. Et ce, en gardant une certaine tension d’éveil, sans se laisser entraîner trop loin (délire, folie) qui rendrait, pratiquement, le poème illisible.
Se laisser transformer sans se faire submerger, pour saisir, d’une étincelle, ce qui unit, ce qui permet la résonance, cet instant de bonheur divin. Puis agir, au bon moment, pour faire sortir cette impression, la coucher, la fixer sur le papier. Révélateur de notre pellicule intime. En prenant soin des mots finalement choisis, de leur juste intensité pour que le développement ne soit ni sur, ni sous-exposé à la lumière.
Arriver à faire jouer en nous ce double mouvement, de tension lucide et d’ouverture à l’inconnu, voici peut-être ce que certains appellent « Vérité ». Une alchimie intérieure, au creuset de notre être, avec comme matière idées et éléments puisés au sein du monde. Des matériaux sûrs, éprouvés par les hommes : symboles, mythes, contes, vieilles paroles transmises jusqu’à nous. Un mouvement subtil, formulable, mais qui ne peut se comprendre sans cette épreuve intime. Épreuve de création, de lecture, de contemplation. D’imagination.