À quoi bon le poème en temps de crise ? À souligner la permanence. Du chant de l’oiseau, du vent dans les arbres, de nos corps enlacés qui vibrent malgré la peur. De la vie, encore. Sans peur du ridicule, sans peur d’être balayé par le fracas des armes, des mots criés trop forts et des humiliations. Une parole à l’os. Tranchant toutes les chairs. Contre les beaux discours.
Pourquoi le poème ? Parce qu’il est la seule forme, fondamentale et brute, suffisamment solide pour ne pas être réduite par ceux qui nous assurent qu’il n’y a pas d’autre choix. Que l’on n’a plus le temps de penser, de sentir, de s’arrêter un peu. Qu’il faut un peu grandir, et donc se résigner. Et survivre malheureux sans horizon possible.
Parce qu’il est cette arme folle, plus silencieuse qu’un drone, qui vient nous imploser. Et réveiller en nous le désir de faire, de toucher, de sourire sans en attendre plus.
Parce qu’il est en deçà des révolutions vaines. Qu’il peut nous faire. Aimer. D’un silence imprenable.
Les tyrans le savent bien. S’attaquer à ce chant qu’ils n’atteindront jamais est leur tout premier crime.