Les livres de développement personnel nous promettent les clés du bonheur et du sens de sa vie. Inondant les rayons des libraires, ils répondent aux angoisses contemporaines avec un succès jamais démenti. Mais comment sont-ils conçus ? Et quelle vision de l’existence proposent-ils, derrière une liberté et une sagesse à la carte affichées ?
( Enquête initialement publiée dans La Croix l’hebdo n°237 du 15 juin 2024)
Pourquoi nous l’avons fait ?
Les succès d’édition interrogent toujours sur ce qu’ils disent de notre société. À l’heure où les expressions « retrouver du sens », « se reconnecter » et « se trouver soi-même » deviennent des lieux communs, nous avions envie d’explorer ce que racontaient les livres à succès de développement personnel. Nous avons donc acheté une dizaine de ces ouvrages promettant des ressources pour trouver le bonheur et s’accomplir. Classiques ou récents, mais tous dans le peloton actuel des ventes du secteur, nous les avons lus, puis avons interrogé ceux qui les éditent comme ceux qui les critiquent afin de comprendre comment ces ouvrages fonctionnent. Au fil des pages, nous avons déniché quelques bonnes idées et paroles « inspirantes » pour réfléchir sur soi, mais aussi un système de croyances aux principes très affirmés, loin de la totale liberté et de l’approche scientifique souvent revendiquée… Plongée dans les ressorts de ce « bien-être » ancestral qui s’adapte si bien à notre modernité.
Stéphane Bataillon
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Sur les tables de la librairie, les classiques Les Cinq Blessures qui empêchent d’être soi-même (1) de Lise Bourbeau et Les Quatre Accords toltèques (2) de Don Miguel Ruiz côtoient La Théorie du bourgeon (3) de Fabrice Midal et la version poche de Trouver ma place de Natacha Calestrémé, tout juste sortis de presse. Différents dans leur ton et leur approche, ces ouvrages appartiennent au même rayon, celui du développement personnel. Un secteur florissant de l’édition qui a explosé à la fin des années 2000, avec la démocratisation de la méditation, introduite par Christophe André et Jon Kabat-Zinn, et qui s’est poursuivie avec d’autres tendances fortes comme le coloriage antistress.
Les angoisses et questions sur le sens de la vie qui ont émergé dans le public après la crise du Covid ont entraîné une nouvelle progression spectaculaire des ventes, avec six millions de livres et 71 millions d’euros de chiffre d’affaires entre 2021 et 2022. « Un auteur moyen vend 3 000 exemplaires et c’est un succès à partir de 10 000 ventes », dévoile Charlène Guinoiseau-Ferré, codirectrice de Jouvence, filiale suisse d’Albin Michel qui existe depuis 1989, leader du marché avec 110 titres par an et 3,62 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022.
« Mais ce niveau est beaucoup plus dur à atteindre maintenant. En ce moment, un succès, c’est plutôt 5 000 exemplaires. » Car le marché, comme le reste de l’édition, se tasse depuis deux ans (– 15,5 % en 2022-2023, une tendance qui se poursuit à l’heure actuelle). « Cela s’explique par la crise économique mais aussi, et c’est tout à fait sain, par le fait que ce secteur a un peu tourné en rond et doit se renouveler. Beaucoup d’éditeurs se sont engouffrés dans la brèche, jusqu’à saturation. »
C’est que le « DP », comme on le surnomme, reste l’un des secteurs les plus populaires de l’édition, porté par la vente de livres de poche et une présence permanente de leurs auteurs sur les réseaux sociaux. Sophie, 49 ans, médecin généraliste dans la région de Grenoble, est par exemple friande des romans bien-être de Raphaëlle Giordano, avec souvent des titres à rallonge, tels que Ta deuxième vie commence lorsque tu comprends que tu n’en as qu’une (4) ou Le Jour où les lions mangeront de la salade verte (5), et qui mêlent fiction et conseils pratiques.
« Ils m’ont ouvert des possibles à un moment difficile de ma vie où je me sentais bloquée et où il fallait que je change la situation dans mon couple. Cela n’a pas été le seul élément déclencheur, j’ai aussi suivi deux stages de méditation en pleine conscience, mais cela m’a aidée… Même si je ne lis pas que ça ! », confie-t-elle, amusée. Quant à Thomas, artiste de 50 ans vivant à Paris, il a été marqué par la lecture du Foutez-vous la paix (6), de Fabrice Midal. « Il m’a aidé à prendre conscience de l’importance de mes pensées en boucle, et j’ai tenté d’arrêter d’alimenter mes peurs. Il n’y a rien de magique mais rien que la phrase titre m’a vraiment permis de revenir au présent. Après, on en revient à nos mécanismes, ça ne fait pas tout, mais ça allège. »
Le public, à 90 % féminin, ne choisit pas les mêmes ouvrages. « Les cadres vont plutôt se tourner vers le psychiatre Christophe André et le philosophe Fabrice Midal, explique Thierry Jobard, responsable du rayon à la grande librairie Kléber de Strasbourg et auteur d’un essai percutant, Contre le développement personnel (7), paru en 2021. Les employés de classe moyenne inférieure vont plutôt lire des choses un peu moins exigeantes au niveau théorique, comme Les Accords toltèques, Eckhart Tolle ou Natacha Calestrémé. » Depuis cinq ans, le public s’est beaucoup rajeuni, des lectrices de 16 à 18 ans profitant du passe culture pour acquérir ces ouvrages.
Les thématiques aussi évoluent, et après la mode des sciences cognitives et des livres sur l’hypersensibilité, le marché s’hybride à celui de la santé naturelle (Faites votre glucose révolution (8) de Jessie Inchauspé) et, surtout, d’un ésotérisme moderne qui remet en scène la figure des anges ou des guides du monde invisible… « Il y a une espèce de “magification” qui est une façon d’embellir le réel en prêtant attention à des phénomènes et des coïncidences qui donnent du sens à une existence qui semble en manquer, analyse Thierry Jobard. On cherche à se forger ses convictions en dehors de toute hiérarchie, en parlant de spiritualité ou de sagesse plutôt que de religion, vue comme trop rigide. »
L’idée principale du développement personnel est que nous avons tous en nous des ressources insoupçonnées, entravées par des habitudes, des « croyances limitantes », des relations toxiques, dont il faut se débarrasser pour libérer son plein potentiel, accéder à son « moi authentique » et à la « meilleure version de soi-même ». Efficacement et sans un investissement en temps trop lourd. La nature y est souvent pensée comme une source d’énergie à laquelle il faut se reconnecter dans un contexte où chacun peut tracer sans contraintes son propre chemin. La méthode « Change ma vie » de Clotilde Dusoulier, coach et créatrice d’un podcast à succès du même nom, flatte ainsi cette liberté singulière. « Nous faisons une place immense à votre sagesse personnelle et à votre souveraineté », « Vous êtes l’expert.e de votre propre vie. »
Toutefois, la lecture ne signifie pas forcément adhésion primaire et sans recul. « Il y a des gens qui vont les lire en gardant suffisamment de distance pour en retirer deux ou trois vrais conseils de sagesse et que ça libère, relativise le père Patrick Goujon, jésuite, professeur d’histoire de la spiritualité aux Facultés Loyola Paris et chercheur à Campion Hall-Université d’Oxford. En revanche, en faire un système globalisant pose problème. Tout le travail de nos vies individuelles et collectives, c’est d’apprendre à se détacher des illusions du bonheur pour rentrer dans la possibilité de la vraie joie humaine. Ce n’est pas tout à fait la même chose. » Mais alors, quels sont les règles et les ressorts à connaître pour ne pas se faire abuser par les fausses promesses ? Petit tour d’horizon de dix lois qui régissent ce type d’édition.
1. Trouver une légitimité
Être auteur de DP ne suffit pas et avoir un titre est important. Psychologue, médecin, scientifique… Le public sollicite une parole qui fasse autorité. « Je ne recherche pas forcément des titres de psychiatre, explique Charlène Guinoiseau-Ferré, mais il faut des formations qui n’ont pas été faites pendant un week-end. Si possible en psychologie ou en communication non-violente. Il faut qu’il y ait vraiment une pratique, que l’auteur soit au contact des autres. » Chaque ouvrage est censé être une main tendue vers le lecteur.
« Certains cherchent des livres pour vraiment sauver leur vie, donc il faut faire très attention à ce qu’on publie. » Mais méfiance : en lieu et place de titre officiel, sont souvent brandies des dénominations ou références floues de thérapeutes pour légitimer le discours : Lise Bourbeau, qui vient des métiers de la vente, cite ainsi dans la première page de sa préface (et en petites capitales) Sigmund Freud, Wilhelm Reich et les psychiatres John C. Pierrakos et Alexander Lowen.
« Le recours à la science permet de mettre les garanties de son côté car la vie humaine n’est pas toujours très rassurante, décrypte Patrick Goujon. Mais quand vous parlez avec des gens dont c’est le vrai métier, ils disent plutôt : “On cherche encore, on ne sait pas.” Il n’y a rien de moins assuré qu’un vrai scientifique ! Or, beaucoup de ces livres disent “c’est là-dedans, et on va vous le vendre !” Tout le problème est là. »
2. Chérir sa communauté
La présence sur les réseaux sociaux est fortement recommandée, voire désormais indispensable. Le livre n’est qu’une entrée vers l’univers de chaque auteur. Chaîne YouTube, profil Instagram, conférences et stages permettent de conserver un lien permanent avec son lectorat. Des contenus sont de plus en plus professionnels, comme la chaîne Dialogues de Fabrice Midal qui, forte de ses 376 000 abonnés, reçoit les autres spécialistes du secteur pour de grands entretiens. Il participe ainsi à un réseau qui renforce les liens entre tous ces acteurs s’interlégitimant.
La chaîne ABC Talk TV (126 000 abonnés), entièrement dédiée au développement personnel, organise de très nombreuses conférences mettant en scène Thierry Janssen, Isabelle Filliozat sur la parentalité positive ou Thomas d’Ansembourg. La place pour ces événements « en présentiel » approche souvent la centaine d’euros (sans compter les stages de plusieurs jours proposés ensuite). Ils sont retransmis en ligne et viennent nourrir continuellement la communauté de leurs auteurs.
3. Peaufiner titre et motif
Clé du succès potentiel : un bon titre. « Pour moi, c’est le plus important, confie Guillaume Robert, directeur de la non-fiction chez Flammarion et éditeur de Fabrice Midal ou Frédéric Lenoir. Il permet à la fois de clarifier le propos et de faire ressortir l’originalité du projet pour qu’il puisse résonner fortement chez le lecteur. Les plus gros du succès de Fabrice Midal, ce sont des livres qui m’ont d’abord apporté quelque chose en tant qu’être humain avant d’être éditeur. C’est quand le sujet fait véritablement écho avec ce dont vous avez besoin qu’il peut toucher un plus large public. »
L’idée, au-delà de la problématique abordée, est de convoquer une image ou un motif qui permettront de rendre le propos à la fois plus ludique, plus immédiatement applicable et donc plus efficace. Dans Ta deuxième vie, Raphaëlle Giordano met ainsi en scène la méthode « SMART » de Claude, son héros « routinologue » : chaque objectif doit y être Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et compris dans un Temps donné.
4. Utiliser le symbolisme des nombres
Les Cinq Clés du bonheur (9), Les Sept Piliers de l’estime de soi (10), Les 48 Lois du pouvoir (11) ou Vingt-deux protocoles pour atteindre la sérénité (12)… Les nombres structurent souvent, dès leur titre, les méthodes de développement personnel. Chargés d’une importante signification symbolique, issue des religions et de l’ésotérisme, ces nombres ne sont pas choisis au hasard.
Le cinq correspond par exemple à la figure que dessine l’homme idéal, illustré par l’homme de Vitruve de Léonard de Vinci, le sept celui de la perfection, comme les sept sacrements ou les sept dons de l’Esprit Saint. Le 22, nombre des lettres hébraïques, exprime toutes les facettes de l’univers, et révèle la dualité en miroir, image de l’homme capable de s’analyser lui-même. Quant au 48, le nombre et son double, comme le 12 ou le 24, il symbolise la réconciliation de la matière (chiffre 4) et de l’esprit (chiffre 8). Pour le théosophe allemand de la Renaissance Jacob Boehme, le nombre 48 représenterait « l’humanité divine ». Tous ces nombres, discrètes références, renforcent la même promesse : l’accès à un accomplissement, un état unifié de la personne après lecture et application.
5. S’adresser à son lecteur
Dans les livres de développement personnel, l’adresse directe au lecteur est fréquente, allant parfois jusqu’au tutoiement. « C’est la volonté de l’auteur, cela plaît ou non, admet Guillaume Robert. Quand c’est utilisé, cela crée une connivence. Le livre vous parle directement. » L’auteur peut aussi commencer par une confidence, pour raconter ce qui, dans sa vie, l’a transformé et l’a fait basculer dans la quête de soi. Une nuit d’angoisses avec pensées suicidaires qui se transforme en épiphanie pour Eckhart Tolle, des problèmes familiaux et une « double hernie discale » pour Natacha Calestrémé. Le détail peut paraître anodin, il n’en est rien. La hernie discale symbolisant la résistance au changement et le conflit intérieur.
Tout sert le même discours. « Votre vie peut changer. Vous en avez le pouvoir. » « C’est la méthode américaine, décrypte Thierry Jobard. L’auteur crée un rapprochement en disant : “Vous voyez, il m’est arrivé ça, voilà comment j’ai réagi.” Et explique comment vous pouvez faire de même. »
6. User des injonctions
Parmi les codes des ouvrages de développement personnel, l’usage intensif de l’impératif est de mise. « Soyez bienveillant », « Devenez votre meilleur ami », « Apprivoisez la peur ». Une forme de paradoxe pour des méthodes qui vantent la libération face aux multiples injonctions de nos vies quotidiennes mais qui ne font qu’en ajouter de nouvelles, renforçant la pression à réussir son évolution, devenue, elle aussi, un objectif à atteindre.
« Cet usage de l’impératif, inspiré du coaching, permet d’adopter un ton un peu enlevé pour augmenter la motivation, explique Charlène Guinoiseau-Ferré. Mais on l’a beaucoup vu et on essaye désormais d’inventer un ton avec plus de distance et d’humour. » Une tendance présente dans le titre d’ouvrages récents : L’Art subtil de s’en foutre (13), de Mark Manson, ou Un esprit bof dans un corps pas ouf (14) d’Anne-Sophie Girard.
7. Proposer des exercices
Entre les témoignages et les conseils, nombre d’ouvrages proposent des exercices variés, schémas à l’appui ou laissant parfois quelques lignes blanches pour que le lecteur mette en application le contenu proposé. À la fin de son roman, Raphaëlle Giordano rassemble une partie de ces activités dans un « Petit Vade-mecum de routinologie » qui propose de tenir un cahier des engagements, constituer un catalogue interne d’images positives ou de… faire le chat.
Là aussi, ces exercices, qui peuvent parfois être vendus dans des cahiers d’activités séparés, servent l’idée d’un accomplissement possible. « Ils permettent de faire sortir des émotions ou des pensées non formulées, explique Charlène Guinoiseau-Ferré. Écrire est un acte symbolique et c’est toujours intéressant de le proposer. »
8. Vanter une liberté sans limites
Plus encore que la quête du bonheur, c’est la liberté d’agir sur le réel et une nature « cosmique » qui est au cœur du discours du développement personnel. Dans Les Quatre Accords toltèques, grâce à la transformation personnelle permettant de « contrôler (son) existence à cent pour cent, le rêve de la planète se transforme en votre propre rêve de paradis ».
« Sur le fond, ça ne tape pas à côté, rebondit Patrick Goujon. C’est bien la question de savoir comment gagner sa liberté dans un monde de puissances. Mais quelle liberté ? Et pour quoi faire ? Tant que c’est une liberté pour accroître uniquement ma capacité d’action, c’est une liberté contre les autres, où je construis mon espace, confortable, zen, mais sans aucune limite. Or, la croissance spirituelle, c’est justement de découvrir que les limites qui me déterminent n’empêchent pas que ma vie soit féconde avec les autres. Ce n’est pas “Je vais être plus”, c’est “Je vais être davantage avec moi-même et les autres” dans le petit lieu qu’est ma vie, mais qui n’a rien d’une limitation. »
9. Maîtriser la pyramide des besoins humains
Clotilde Dusoulier, créatrice du podcast « Change ma vie », propose, dans son livre paru chez Robert Laffont (15), de remplir « huit cadrans du succès » permettant de se situer entre sécurité et confort matériel, reconnaissance sociale et connexions aux autres. Une méthode « originale » qui ne fait en réalité que reformuler la pyramide des besoins humains. Une grille progressive élaborée d’après les observations du psychologue américain Abraham Maslow dans les années 1940, dont la valeur d’universalité a été critiquée, car fondée sur un public exclusivement occidental.
C’est l’une des principales bases théoriques utilisées par le développement personnel. Tout en haut de ce modèle, une fois comblés les autres besoins (physiologique, de santé, d’appartenance…), figure le besoin d’accomplissement de soi. Maslow ajouta même un dernier niveau à sa pyramide peu avant sa mort, celui de self-transcendence, ou « dépassement de soi » touchant à la dimension spirituelle. Cette pyramide est une bonne grille de lecture de l’évolution du discours au sein de chaque ouvrage, au-delà de leurs thématiques particulières.
10. Centrer sur la personne plutôt que sur les autres
C’est l’une des grandes critiques adressée au développement personnel : la faible place faite à l’autre, souvent vu comme source d’obstacles à son épanouissement. Cas extrême, dans le protocole 8 de Natacha Calestrémé : Pour « Couper des liens de souffrance » avec autrui, le conseil n’est pas d’engager une médiation avec la personne source de souffrance, mais de l’imaginer sur une chaise et de lui dire à voix haute les souffrances subies.
« L’autre a rarement une place d’égalité, analyse Thierry Jobard. Je ne peux aller vers l’autre qu’une fois que j’ai découvert mon moi authentique. C’est une conception abstraite de l’altérité, sans collectif, sans syndicats pour se faire aider. Elle expose à beaucoup de désillusions car, évidemment, si ça ne marche pas, il ne faut s’en prendre qu’à soi-même. »
Des objections que Guillaume Robert conteste. « Si l’appellation développement personnel fait sens, c’est bien pour qu’on s’occupe avant tout de la personne. La promesse est claire et on ne peut pas leur demander autre chose. Il y a plein d’autres livres pour s’interroger sur la société. » D’où le besoin de bien estimer, derrière ces lectures souvent distrayantes et parfois inspirantes, comment l’on se situe dans ses relations, sans chercher d’illusoires recettes magiques. En toute liberté… et responsabilité.
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Encadré : La Nouvelle Pensée : Les étonnantes origines spirituelles du développement personnel
C’est dans les années 1990 que l’émergence de la psychologie positive, lancée par le psychologue américain Martin Seligman, a permis d’asseoir les bases scientifiques du développement personnel. Mais une autre partie de ses racines est à rechercher dans un étonnant courant de pensée spirituelle apparu dans la seconde moitié du XIXe siècle aux États-Unis : la Nouvelle Pensée (New Thought). Il repose sur la conviction que la pensée positive et la puissance de l’esprit peuvent façonner la réalité et créer une vie épanouissante. Inspiré par les travaux du magnétiseur Phineas Quimby (1802-1866), il est promu par des écrivains comme Ralph Waldo Emerson et Henry David Thoreau. Il sera transformé en courant religieux par Emma Curtis Hopkins, étudiante de Mary Baker Eddy, fondatrice en 1879 de l’Église de la Science chrétienne (Christian Science), ou Église scientiste.
Pour les partisans de la Nouvelle Pensée, toute maladie serait le résultat de croyances erronées (les fameuses « croyances limitantes ») et une « pensée correcte », connectée à une force supérieure, nommée « Dieu » ou « l’Univers », suffirait à la guérison. Un autre principe clé du mouvement est la « loi de l’attraction ». Elle dispose que les pensées positives attirent des expériences positives : richesse, amour ou réussite professionnelle, l’esprit pouvant influencer la santé physique et émotionnelle. Cette « loi » sera ensuite reprise par de nombreux mouvements ésotériques, comme la Société théosophique de la mystique russe Helena Blavatsky et est à la base du best-seller contemporain Le Secret de l’Australienne Rhonda Byrne (18), paru en 2006. Une forme de « pensée magique » plus que problématique lorsqu’elle touche à la santé.
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Pour aller plus loin
Un livre :
Du bien-être au marché du malaise. La société du développement personnel
Cet ouvrage du sociologue Nicolas Marquis est déjà un peu ancien mais offre une approche originale pour comprendre le succès des ouvrages de développement personnel (DP) en se concentrant non sur les critiques mais sur les motivations de son public. Interrogeant cette expérience de lecture de masse qui promet de donner un sens personnel à notre vie, il démontre, au fil des témoignages de lectrices et lecteurs, en quoi cette démarche peut conforter l’individualisme contemporain.
PUF, 2014, 228 p., 17 €
Une enquête :
En complément de ce dossier, retrouvez l’enquête de La Croix explorant le domaine du développement personnel chrétien, qui se développe de son côté sous le nom de développement ou croissance spirituelle, avec des auteurs comme Anselm Grün ou, plus récemment, le médecin et psychanalyste Jean-Guilhem Xerri, se fondant sur les Pères du désert pour proposer des ouvrages comme Prenez soin de votre âme ou (Re)vivez de l’intérieur (Cerf).
Un documentaire :
Le Business du bonheur
Ce film explore le marché florissant de la psychologie positive, nourrissant le développement personnel. Il explore ses incarnations aux États-Unis comme en France depuis près d’un siècle et ses manifestations contemporaines. Interrogeant de nombreux acteurs du domaine comme Christophe André, il en pointe les apports, les limites et les dangers, notamment les stages aux tarifs prohibitifs proposés par certains « coachs de vie » et les risques d’emprises lorsque ces techniques sont utilisées à mauvais escient.
De Claire Alet et Jean-Christophe Ribot, 52 mn, 2022. Disponible sur Prime Video.
(1) Éditions ETC, 2000.
(2) Éditions Jouvence, 1999.
(3) Éditions Flammarion, 2024, 304 p.
(4) Éditions de la Loupe, 2016, 358 p.
(5) Eyrolles, 2017, 320 p.
(6) Éditions Flammarion, 2017, 160 p.
(7) Éditions Rue de l’échiquier
(8) Robert Laffont, 2022, 360 p.
(9) Tal Ben-Shahar, éditions Robert Laffont, 2022, 256 p.
(10) Antoine Rocher, 2023, 133 p.
(11) Éditions Alisio, 2009, 439 p.
(12) Trouver ma place : 22 protocoles pour atteindre la sérénité, de Natacha Calastrémé, 2024, 464 p.
(13) Éditions Eyrolles, 2017, 207 p.
(14) Éditions Flammarion, 2023, 192 p.
(15) La méthode « Change ma vie », Créez la vie qui vous ressemble, 2024, 352 p.