(Critique initialement parue dans le cahier Livres de La Croix du 16/11/2023)
Éveille-toi, mon âme,
de Bénédicte Bouillot et Christof Betschart
Desclée de Brouwer, 240 p., 18,90 €.
Qu’est-ce que l’âme ? Comment la formuler avec les mots les plus justes afin de l’approcher et d’en vivre l’expérience ?Pour penser cette notion, souvent contestée, la grande philosophe Edith Stein, d’origine juive et convertie au christianisme, a utilisé et perfectionné durant toute sa vie la phénoménologie, soit la science de l’expérience de la conscience. De son travail en tant qu’assistante d’Edmund Husserl jusqu’à ses travaux sur l’enseignement de Jean de la Croix avant son décès au camp d’Auschwitz-Birkenau, elle n’a cessé de creuser et préciser les paroles proclamant l’existence de ce « lieu d’une vie où le sujet personnel se sent lui-même et chez soi ».Un lieu qu’elle situe au cœur de chacun, à la suite du « château de l’âme » de Thérèse d’Avila. Elle compare ainsi l’âme à un « noyau » dynamique, indispensable à la rencontre de nous-même, voie d’accès à l’union mystique avec ce « plus grand que soi » qu’est Dieu. Comprendre le cheminement exigeant de sa pensée, sans trop se perdre dans les concepts, tel est le pari réussi de Bénédicte Bouillot, professeure de philosophie au Centre Sèvres, et Christof Betschart, carme déchaux et doyen de la faculté de théologie Teresianum à Rome.
L’âme, ici, n’a rien d’une notion refuge pour se replier sur soi et échapper aux contraintes du monde. Au contraire, elle constitue ce foyer relationnel par excellence au cœur de la vie spirituelle chrétienne. Un lieu où puiser la vitalité profonde. D’où le besoin de bien la nommer pour s’y accorder. Cette introduction à la philosophie d’Edith Stein, parce qu’elle a fait le choix d’un angle d’attaque précis, est un viatique contre les discours superficiels offerts parfois aux chercheurs de sens. Prendre soin de son âme y apparaît comme une aventure concrète, à vivre avec son risque.
Stéphane Bataillon