(Critique parue dans La Croix l’hebdo n°126 du 1/04/2022)
Un album ciselé, passionné et très personnel pour voyager, en bonne compagnie, aux rythmes du monde.
Une mélodie entêtante ouvre le cinquième album du violoniste Mathias Lévy. « Beyrouth » s’inspire de l’âme puissante d’une ville que le compositeur connaît bien pour y avoir des attaches. Il amorce, à partir de la capitale libanaise, un périple à la rencontre des musiques du monde. Orientaux, manouches, tsiganes, latins ou indiens, les rythmes se croisent, les parfums s’imaginent, les couleurs apparaissent au fil des onze morceaux de cet album entièrement produit par l’artiste pour le label PeeWee !.
Déceler l’harmonie du monde ? Le pari est risqué, tant le risque de s’égarer est grand. Mathias Lévy évite cet écueil en conviant des amis à s’embarquer avec lui : Thomas Enhco au piano, Jean-Philippe Viret et Jérémy Bruyère à la contrebasse, Laurent Derache à l’accordéon ou encore Matthieu Chazarenc à la batterie. En baroudeur musical, l’artiste ne s’attache pas ici à l’expression de racines particulières, à l’instar d’un Bernard Lavilliers qu’il affectionne dans un autre registre. Il partage avec joie ces résonances multiples pour mieux s’orienter vers une voix singulière, puisée au plus profond, chargée d’une tendresse vibrante qui rappelle parfois l’univers d’un Avishai Cohen.
Les envolées d’« Arabesques », l’efficacité pop de « Méca-nique des fluides », les échos d’« En cascade » semblant parvenir d’une forêt de contes, permettent à Mathias Lévy de proposer une musique à la fois populaire et exigeante, les mélodies ciselées laissant de l’espace pour son amour des expérimentations et des improvisations. Ces Démons familiers, extrêmement attachants, n’auront pas de mal à s’échapper des murs des clubs de jazz pour inviter un grand public d’amateurs à se rallier à cette énergie préservée de l’enfance qui court sur tout l’album.
Stéphane Bataillon
Les Démons familiers, de Mathias Lévy
PeeWee!, 11,99 €.