Un grand merci à Dominique Zinenberg pour cette critique de mon recueil Permettre aux étoiles dans le numéro 89 de la revue Poésie/première.
Protégé par Dante, le recueil de Stéphane Bataillon s’ouvre et se ferme sur deux extraits de La Divine Comédie. Permettre aux étoiles contient deux parties et également deux dispositions d’esprit, bien distinctes : d’une part un regard ironique et distancé sur notre société, jouet de diktats, de normes technologiques voire d’idéologies sans pensée qui polluent la place publique ; d’autre part des pages élégiaques plus intimes, incluant des proses évoquant en particulier une grand-mère aimée. Les deux voix se superposent : tantôt celle qui ne craint pas de choquer par la forme, les mots employés, les thèmes abordés, voix radicalement de notre temps : « Post-vérité Bas les masques// dans la rame/ les gens sourient enfin/ entre deux fake news » ou dans « Chevaucher le dragon » : « changer tout/ facilement // c’est possible/ c’est maintenant// et il y a une demande/ et ils en redemandent// crois-moi/il y a du fric à se faire/ un pognon de dingue ». Les titres des poèmes interrogent l’air du temps, évoquent des émissions télévisuelles ou des obsessions contemporaines : « GPS » ; « Pseudo » ; « Masterchef » ; certains sont en anglais : « The show must go on « Never ending story » suggérant que la langue américaine s’immisce au quotidien dans le français. Beaucoup de poèmes évoquent le COVID : « Attestation de déplacement », « Règle de distanciation » mais aussi par l’expérience personnelle de la maladie : la perte du goût, la crainte de mourir. Cependant les accents les plus émouvants sont ceux concernant la disparition d’êtres chers, le rappel des joies simples avec eux. En sourdine, le poète cerne la nécessité absolue de l’amour : « En suspens// Lorsqu’on s’enlace/ ça tangue // un peu/ comme les branches. »
Dominique Zinenberg
Stéphane Bataillon, Permettre aux étoiles, Bruno Doucey, 2024, 105p. 15€