Anthologies Printemps des poètes, Jacques Robinet, Jean Daive, Milène Tournier : les notules poésie de février 2025

C’est le grand retour de la page critique de poésie contemporaine dans le cahier Livres & idées de La Croix. Pour débuter l’année, outre un article sur les dissonances d’Edith Bruck , des notules poésie allant des deux anthologies officielles du Printemps des poètes aux nouveaux recueils de Jean Daive, Jacques Robinet et Milène Tournier
( Notules initialement parues dans le cahier Livres&idées de La Croix du 13 février 2025)

 

15 – Service d’Aide aux Mots Universels
Ed. Bruno Doucey, 296 p., 22 €.

Esprit de résistance, l’année poétique
ed. Seghers, 400 p., 20 €.

Deux belles anthologies paraissent à l’occasion du prochain Printemps des poètes, qui dressent un panorama vivifiant de la poésie contemporaine. Celle proposée par Ariane Lefauconnier et Bruno Doucey aux éditions qui portent son nom et fêtent leurs quinze ans, mêle les grandes voix de François Cheng ou René Depestre à celles, nouvelles, d’Ella Yevtouchenko ou d’Arthur Scanu. L’année poétique chez Seghers ressuscite quant à elle, sous la houlette de Jean-Yves Rezeau, une série de volumes annuels qui fit le bonheur de beaucoup de lecteurs dès les années 1970. Avec 118 poètes dont Clara Ysé, Marie Modiano ou Falmarès, livrant des textes inédits autour de la thématique de la Résistance.

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Sarment
de Jacques Robinet, illustré par Renaud Allirand
L’Ail des ours, 64 p., 8 €.

Cet élégant petit livre propose les ultimes quatrains de Jacques Robinet, prêtre, psychanalyste et écrivain né en 1937 et décédé en 2024. Des poèmes denses, tenus par la nécessité de se dépouiller de tout superflu. « Toujours plus ! /accablante richesse/Comment traverser le gué/en si lourd équipage. » Une spiritualité simple et profonde affleure à chaque page, levant le voile sur un mystère à portée de cœur. « Rendre l’opaque/à sa transparence/Rêve de sourcier/instruit par sa soif. » Sarment est un guide discret pour méditer ce qui, en nous, peut se mettre à l’écoute : « Je désapprends l’alphabet/qui épelle le nom imprononçable/Je renonce aux images/pour le silence où tu me convies. »

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Tour de ficelle
de Jean Daive
Flammarion, 320 p., 22 €

Avec ce recueil, Jean Daive vient clore le cycle de l’Alphabet de l’enfant initié en 2009 avec Une femme de quelques vies. Des bribes de poèmes et des silences, reproduits dans des cahiers pour dire la nostalgie d’un couple enfantin, formé avec sa sœur et brisé sans possibilité de réparation. « Parce que/La vie n’est jamais en face/chacun reproduit. » Pour l’auteur, né en Belgique en 1941 et qui fit beaucoup, à la radio, dans ses revues, à la direction du Centre international de poésie Marseille (CipM) pour faire vivre la création contemporaine, le poème est cet allié qui nous aide à respirer dans les hantises. Celles des guerres, des colères, des ruptures. Pour mieux aller vers soi. « Les voix manquent/Les voix ne manquent pas ». Celle de Jean Daive nous accompagne.

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Et m’ont murmuré les campagnes
de Milène Tournier
Le Castor Astral, 224 p., 9,90 €.

Capter le paysage. Celui de la campagne, duquel Milène Tournier ne vient pas, citadine née à Nice en 1988. Capter les signes, et les hommes qui s’y meuvent. « Depuis que son fils a quitté la maison/Pour devenir facteur à vélo/La mère surveille plus encore la météo. » Des constatations simples, efficaces comme un rapport d’entomologiste, pour cerner un monde souvent idéalisé par ceux des villes. Un espace qui ne se livre pas, à moins de s’enfouir dans la terre. « Le berger, un peu nautonier, mène ces bêtes aux champs. C’est le matin et encore la nuit ». Comme à chaque recueil, Milène Tournier nous entraîne à sa suite, pour ouvrir notre regard, même si « Parfois, /La tranquillité des roches/Nous est une angoisse. » Une traversée de joies.

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