Voici la nouvelle version des cinq premiers chapitres-poèmes de mon récit de light fantasy, Altayur. L’univers, un désert parsemé d’Oasis, s’affine, les personnages prennent vie. C’est la magie d’une écriture en mouvement.
Chapitre 1 : Guet-apens
Le cri guttural d’orientation
caractéristique des bédouins
avait trompé la vigilance
de la petite troupe
Le rocher enflammé
au creux de la catapulte
se reflétait dans l’œil unique
du basa jaun
La traînée de feu
illuminant la neige
jusqu’à ses compagnons
saisit Argün d’effroi
D’un autre éclair,
il sortit de son sac
l’œuf de colombe gagné
à la fête du village
Il visa en plein front
Juste le temps de se retourner
lâchant la bride du chameau
laissant les cris d’effroi
se fondre dans la nuit
Il était sauvé
il était perdu
il était vivant, lui
Argün l’enfant des trois sables.
Chapitre 2 : Protection
Le grand Sycomore
referma ses branches sur Argün
épuisé par la marche
Aucune colère
malgré le sabre
planté un peu trop proche
d’une racine apparente
Une seule demande
énoncée dans le songe :
« Tu graveras mon fruit
au bout de ta baguette
lorsque les sortilèges
te deviendront amis. »
La vouivre tournoyante
séduite par l’odeur d’homme
dut passer son chemin
Au réveil, Argün savait
pour l’arbre
pour les sortilèges
pour la direction à prendre.
Chapitre 3 : Trois ibis
Trois ibis dans le ciel
tristesse, vide et mélancolie
Dix années de joie
trois années de peine
Argün avait dû fuir
chez son oncle chamelier
après la Grande Pétrification
L’homme
avait fait
comme il avait pu
avec ce petit bout de triste monde
Lui avait appris
à soigner les bêtes
à leur murmurer
à sécher ses larmes
Conseils avisés
entre deux transhumances
Argün avait appris à lire
à tromper l’ennui
la tristesse
le vide
la mélancolie
Trois ibis dans le ciel
et une averse fine.
Chapitre 4 : Terres
Chemins de jasmin
étang poissonneux
palmeraie tempérée
préservant les senteurs
des figues justes mûres
Ça, c’était depuis
l’évènement
qu’ils avaient, par leur magie,
communiqué à tous
Image fixe
personnes fixes
ancrées dans chaque mémoire
avec l’effroi des pires peurs d’enfant
avec l’inutilité de la moindre résistance
Tous
instantanément
avaient accepté
l’arrivée de leurs nouveaux maîtres
En échange
seconde image
ils leur avaient promis
une vie plus facile
plus verdoyante
sans crainte d’autres périls
grâce aux vouivres qui veilleraient
aux quatre coins du pays
De leur nouveau royaume
Ici, avant, rien
rien rempli
de scorpions sous les roches
d’étendues de sable gris
de branches décharnées
Argün avait grandi sur cette terre hostile
s’était habitué
soleil brûlant tannant sa peau
avait passé ses après-midis
à observer le monde
minuscule
comme lui
Pas de magie
pas de sortilèges
pas de formules stridentes alors
Juste
une pleine lumière
C’était eux
après
qui avaient décidé
de tout remettre à neuf
Nature luxuriante
pour faire briller leur gloire
au fond de leurs ténèbres
Argün n’oubliait rien
restait
à ras de terre
Pas dupe des faux sourires
à l’approche de la maison de bière.
Chapitre 5 : Notes
Rien à faire ici
Va téter le sein de ta mère !
Tu t’es trompé de porte
Argün ne dit rien
s’avance vers le tenancier
demande calmement une choppe de Tedj
Ne lui laisse pas le choix
Son regard noir compense la clarté
de la pièce d’un Shât dans le creux de sa main
Ont-ils vécu autant de pertes
au-delà de leurs cris
de leurs éructations ?
Connaissent-ils
les morsures de l’absence ?
Tous, ils se sont résignés
recroquevillés
à accepter leurs conditions
Promesse d’un avenir
meilleur et pacifié
d’un esclavage tranquille
Soudain, quelques notes
venues du fond de la pièce
et l’éclair d’un sourire
d’un elfe musicien
Argün, seul, semble les entendre
première gorgée
goût sucré du miel
pour donner du courage
Il s’approche
évitant les coups de coude
et les éclaboussures de bière
L’elfe
ne tient plus qu’une seule note
Ne semble jamais reprendre
sa respiration
Corps frêle, comme lui
mais quelque chose de plus
Comme lui
– Pourquoi joue-tu ?
Que me veux-tu ?
Et pourquoi moi ?