Que fait-on lorsqu’on écrit un poème ? On ne décrit pas. On ne défend rien. On ressent. On sent, de nouveau, une émotion du monde. On s’unit à ce monde par un mouvement d’appropriation sensible, où les mots ne s’interposent pas. Ils provoquent ou traduisent, mais ne précèdent pas l’émotion. Dans le poème, le mot devient moyen, chose rare. Et il n’aura de prise qu’à condition d’accepter la communion offerte.
Cette proposition d’avancée vers ce « je ne sais quoi d’aventure » cher à Jean de La Croix, le mot est libre de le refuser, car il résiste. Une part de nous est libre, aussi, de la refuser, car nous résistons. Mais si la noce est célébrée sur le blanc de la page, la relation nouvelle permet alors de se bâtir une place. Un lieu pérenne d’existence pour chacun. Un risque, aussi. Risque que la demeure, que l’on voudrait ouverte, nous emprisonne. Ne soit pas lieu d’accueil mais lieu d’exclusion. Des autres. De soi, avant tout. C’est pourquoi cette noce doit s’accomplir au plus proche des sources. Et peu importe le temps. Peu importe la couleur des eaux.