BD : Cinq super-héros Marvel pour comprendre les États-Unis

(Article initialement paru dans La Croix l’hebdo du 25 octobre 2024)

Avant d’être des héros de films, les super-héros Marvel sont nés dans les pages des comics aux États-Unis. Le Musée de la bande dessinée d’Angoulême leur consacre une grande exposition. Icônes de la culture populaire, ils nous disent beaucoup de la société américaine, qui s’apprête à élire son président, le 5 novembre.

Captain America

Créé pour concurrencer les premiers super-héros de l’histoire, Superman et Batman – imaginés par la maison concurrente DC Comics –, Captain America est né en 1940 sous la plume de Joe Simon et Jack Kirby. Les premiers épisodes glorifient le patriotisme et la démocratie américaine, au premier degré. En perte de vitesse après-guerre, le titre est arrêté en 1954, mais est relancé et modernisé dès 1963 par le scénariste Stan Lee. Les exploits militaires se teintent de réflexions sur l’usage de la violence. Dans Ultimates, série de 2002 ayant inspiré les films Avengers, Captain America, réveillé à notre époque pour intégrer l’équipe des Avengers, est ainsi tiraillé entre son désir de défendre son pays et la découverte des intérêts militaro-industriels, qui sous-tendent les conflits avec cynisme et mépris des populations. Quand un héros de papier découvre, avec ses lecteurs, la complexité d’un monde entre gris clair et gris foncé.

À lire : Ultimates, par Mark Millar et Bryan Hitch, coll. « Marvel Pocket », Panini, 360 p., 9,99 €

La Chose

L’une des stars de l’univers Marvel, inventé par Stan Lee et le dessinateur Jack Kirby en 1961, est l’un des premiers antihéros de la BD. Ben Grimm, séduisant pilote d’essai, se retrouve transformé en un monstrueux être de pierre lors d’un voyage en fusée, frappé par d’étranges rayons cosmiques. Doté d’une force colossale mais incapable de retrouver sa forme humaine, il en devient amer et colérique. Il sera appelé « la Chose » au sein de son équipe, les 4 Fantastiques (Fantastic Four), modèle de famille souvent dysfonctionnelle. Au fil des épisodes, il est sans cesse tiraillé entre son statut public de héros et l’immense vide intérieur qu’il ressent. Une ultramoderne solitude.

À lire : Fantastic Four : 1234, par Grant Morrison et Jae Lee, coll. « Must have », Panini, 112 p., 16 €

Spider-Man

Peter Parker, c’est l’histoire d’un jeune adolescent, orphelin de la classe moyenne qui devient reporter-photographe au Daily Bugle. S’il prend le pas sur les adversaires les plus coriaces avec son costume et ses pouvoirs d’homme-araignée, il doit se débrouiller comme il peut dans sa vie quotidienne, entre ses amours, ses galères, la confrontation face au sacrifice et à la perte, la mort frappant souvent ses proches (son oncle Ben, son premier amour Gwen Stacy). Sa devise, « de grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités », flatte l’esprit d’entreprise et de dépassement de sa condition, typiquement américains.

À lire : Ultimate Spider-Man, par Brian Michael Bendis et Mark Bagley, coll. « Marvel Pocket », Panini. 4 tomes parus sur 13 entre 340 et 360 p. de 7,99 à 9,99 €

Les X-Men

Créés en 1963 par Stan Lee et Jack Kirby mais portés au sommet par le scénariste Chris Claremont et le dessinateur John Byrne à la fin des années 1970, les X-Men sont un groupe de jeunes adolescents mutants surdoués mais rejetés par la population. Ils sont recueillis par le professeur Xavier, lui-même mutant mais en fauteuil roulant, qui pense possible l’entente avec l’humanité. Magnéto, son frère ennemi, penche lui pour une domination des mutants sur les humains. Cette série, l’une des plus populaires de Marvel, aborde de façon complexe les questions de racisme, l’acceptation de la différence et le rejet violent, parfois jusqu’à la guerre, que ces questions d’identité engendrent. Une réflexion sur le vivre-ensemble malgré l’altérité qui résonne dans une Amérique fracturée.

À lire : X-Men : Genèse Mutante 2.0, par Chris Claremont et Jim Lee, coll. « Must Have », Panini, 200 p., 15,99 €

Black Panther

En 2018, le grand succès du film tiré de ses aventures, concomitant avec le mouvement pour la défense des droits Black Lives Matter, a remis ce personnage au goût du jour. Créé en 1966 par le duo Lee-Kirby, il met pour la première fois en scène un héros africain présenté avantageusement : T’Challa, le roi d’un royaume fictif, le Wakanda. Son pays, qu’il devra défendre sans cesse, est convoité par les puissances étrangères pour ses ressources en vibranium, métal précieux dont est fait le bouclier du… Captain America. Le personnage, très populaire, est devenu symbole de l’empowerment pour toute une génération d’Afro-Américains.

À lire : Black Panther, Qui est la panthère noire ? par Reginald Hudlin et John Romita Jr, coll. « Must Have », Panini, 160 p., 15,99 €

Stéphane Bataillon

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À voir

L’exposition « Marvel, Super-héros et cie : l’art des comics » propose un impressionnant ensemble de 170 planches originales de 90 artistes différents, remontant début de Marvel sous l’égide de Stan Lee. Jusqu’au 4 mai 2025, citebd.org Catalogue : Marvel, super-héros&cie, Panini, 128 p., 19 €