Le silence de la nuit
qui devient plus profond
au cri du grillon se répandant
dans les ténèbres,
au murmure du vent
dans les branches ;
le calme
qui porte douceur à
la question sans fin :
Toi.
Jeanne Tsatsos
Paroles du silence, suivi de Lumière dans l’obscurité.
Traduction du grec et présentation de Bernard Grasset,
Éd. Le bois d’Orion, 220 p., 19 €
Née en 1902 à Smyrne en Turquie, sœur de l’écrivain Georges Séféris et épouse du président de la République grecque Constantin Tsatsos, Jeanne Tsatsos est une résistante. Résistante dans son pays, elle sera reconnue comme Juste parmi les nations pour son action durant la Seconde Guerre mondiale. Résistante à sa langue, elle travaille le grec jusqu’à l’épure pour mieux formuler le mystère et éviter à l’homme une nouvelle chute dans « la dissonance du néant ». Poésie spirituelle, gorgée par son rapport à la Bible, source de liberté, et portée par sa foi orthodoxe, chaque texte de Jeanne Tsatsos, dense et limpide, peut être l’occasion d’une méditation. Au-delà les contingences du temps, elle répond à l’absence de sens et de désir qui parfois nous assaille « une pensée m’oppresse, / pour ce qui arrive, n’arrive pas, / pour ce qui arrivera ? // et je cherche partout sans trouver pourquoi. »
Grâce à la résonance de la parole, elle propose de s’abandonner en s’adressant à Dieu afin de le relier à notre plus intime. Cette édition bilingue de son premier recueil, Paroles de silence, paru en 1968, et de son dernier, Lumière dans l’obscurité, publié en 1992 avant sa disparition en 2000, permet d’emprunter en sa compagnie un chemin vers l’Amour « Mais ce soir-là / ma prière a soulevé / la voûte du ciel / et à travers ses brèches / une lumière a transpercé la nuit ».
Stéphane Bataillon
(Initialement publié dans La Croix l’hebdo N°255 du 25 octobre 2024)