Tout un symbole #4 : La rose, fleur de tous les amours

La rose, utilisée comme symbole dès l’Antiquité, est parfois placée au centre de la croix, symbolisant l’âme et l’amour universel, mais elle est aussi associée à Marie, rose sans épines.

(Chronique initialement publiée dans le cahier Religion & spiritualité de La Croix du 15/07/2024)

« Mignonne, allons voir si la rose/Qui ce matin avait éclose/Sa robe de pourpre au Soleil ». Qu’elle soit rouge comme chez Ronsard, jaune ou blanche, la rose, aidée de son parfum, fascine les hommes. Mêlant le passage du temps au cycle de la vie, l’élévation spirituelle à la force de l’amour, elle est la fleur symbolique la plus employée en Occident, à l’égal du lotus en Asie. Dès la Grèce antique, elle est associée à Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté. Sa couleur rouge serait issue du sang libéré par une épine plantée dans le pied de la déesse, alors qu’elle se portait au chevet d’Adonis, son amour mortellement blessé par un dieu jaloux.

Son usage est particulièrement développé dans le christianisme. Placée parfois au centre de la croix, la rose remplace le Sacré-Cœur, symbole de l’amour divin. Aux XIIe et XIIIe siècles, Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes et Le Roman de la rose de Guillaume de Lorris développent la même idée : la corolle de ses pétales rouges se confond avec la coupe ayant recueilli le sang du Christ. Elle figure plus largement la renaissance mystique, la mort du corps en terre laissant place à une nouvelle floraison, d’où la présence de roses sur les tombes. L’utilisation conjointe de roses rouges et blanches a également une portée dynamique : celle du passage du profane au sacré et de la passion à la pureté.

La rose d’or, ornement destiné aux seigneurs, autrefois bénie par le pape le quatrième dimanche de Carême, marquait ainsi une étape importante de l’accroissement spirituel. Dans les chants du Paradis de sa Divine Comédie, Dante utilise le motif de la rose céleste, formée par tous les saints, pour amener son héros de l’amour de Béatrice à l’amour divin : « Au centre d’or de la rose éternelle, qui se dilate et va de degré en degré, et qui exhale un parfum de louange au soleil toujours printanier. Béatrice m’attira… »

Mais si cette figuration du paradis est attestée dès le début du christianisme, la rose est surtout devenue un symbole marial. Marie est nommée par saint Bernard « rose sans épines ». Le rosaire est une roseraie (rosarium) de paroles récitées en son honneur, les 150 « Ave » étant autant de fleurs lui étant envoyées : 50 de couleur blanche pour les mystères joyeux, 50 de couleur rouge pour les douloureux et les 50 dernières, jaune ou or, pour les glorieux. Trois chapelets dont la Vierge est successivement couronnée. De même, dans Les litanies de Lorette (ou Litanies de la Sainte Vierge) du XVIe siècle, demandes psalmodiées d’intercession qui lui sont adressées, elle est désignée sous le terme de « rose mystique ». Ce qui explique qu’au Moyen Âge, seules les vierges pouvaient porter des couronnes de roses.

La rose des vents et les rosaces des cathédrales rapprochent enfin le motif floral de celui de la roue, symbole d’un temps cyclique avec la succession des saisons, auquel la tradition chrétienne ajoute un sens évolutif, l’histoire du salut se déployant depuis les origines jusqu’à la fin des temps et le retour du Christ. Alors, que faire de ces multiples significations ? Angelus Silesius, mystique catholique flamand du XVIIe siècle donne, dans Le Pèlerin chérubinique, la plus légère des réponses : « La rose est sans pourquoi ; elle fleurit parce qu’elle fleurit, /N’a souci d’elle-même, ne cherche pas si on la voit. » Avec une rose, tout commence et tout finit souvent en poésie.