Premier à annoncer le jour, le coq est ce héraut qui chante la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort.
Parfois, un simple jeu de mots peut avoir des conséquences inattendues. Si le coq est devenu l’emblème de la France, c’est très probablement une invention romaine qui aurait rapproché le terme désignant le coq « gallus » de celui désignant les habitants de la Gaule, Gallus. Rien à voir, donc, avec la riche symbolique que porte ce fier gallinacé, roi des basses-cours.
Dans l’Antiquité romaine, il était pourtant déjà l’attribut de plusieurs dieux, dont Mercure, messager des dieux, mais aussi psychopompe, capable de conduire les âmes pour leur dernier voyage dans l’au-delà. Un pouvoir octroyé également à l’animal, et qui se retrouve dans certaines légendes chrétiennes du Moyen Âge : le coq « passeur d’âme » serait un guide sur la route céleste d’une Voie lactée parallèle à la route du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle qui ferait revenir à la vie les pendus injustement condamnés.
Mais la principale symbolique du coq est liée à la vigilance. Premier à annoncer le jour, il est ce héraut qui chante la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort. C’est pour cela qu’il est, avec l’aigle ou le lion, l’un des emblèmes du Christ mettant l’accent particulier sur cette symbolique solaire de lumière, écho de sa résurrection.
Dans le Nouveau Testament, il est lié à saint Pierre et à son triple reniement : « Avant que le coq ne chante deux fois tu m’auras renié trois fois » (Mc 14,72) Sachant que le coq chante traditionnellement deux fois à minuit, heure de la naissance, et que le trois rappelle ici à la fois le caractère non accidentel du reniement et le nombre de jours passés par Jésus dans le séjour des morts.
Placé en haut d’un clocher, tradition remontant au IXe siècle, le coq agit comme un véritable « paratonnerre spirituel » capable de chasser les ténèbres, et portant la parole à contrevent, contre le mal et les péchés, tel les prédicateurs dont il est aussi l’emblème. Dans ses Morales sur Job, saint Grégoire le Grand y voit « le symbole des prédicateurs qui dans la nuit d’ici-bas ont la mission d’annoncer la lumière en chantant ».
Dans les autres civilisations, le coq a souvent ce rapport avec la manifestation de la lumière. En islam, où il est particulièrement distingué comme animal porteur de bénédiction et de générosité, il signale l’arrivée de l’ange de la prière. Un hadith célèbre présente ainsi le coq blanc comme « l’ennemi de l’ennemi de Dieu ». Au Japon, c’est son chant qui fait sortir la déesse du soleil Amaterasu de sa caverne, et en Chine il symbolise plusieurs vertus parmi lesquelles le courage, la bonté et la confiance. Dans la mythologie nordique, cette vigilance se fait guerrière, le coq scrutant l’horizon du haut de l’arbre-monde sacré, le frêne Yggdrasil pour prévenir les dieux de l’arrivée des géants hostiles. Dans le bouddhisme, en revanche, c’est un symbole néfaste, associé au porc et au serpent, qui incarne le désir, la soif et la convoitise. Alors, le coq, vaniteux ou héraut ?
Le dramaturge Edmond Rostand décida de ne pas choisir. Dans sa célèbre pièce Chantecler, jouée pour la première fois en 1910, il met en scène un spécimen tellement convaincu de son importance qu’il s’imagine, par son chant, faire se lever le soleil. S’ensuivra un grand succès populaire français, adapté dans de nombreux pays sur scène et sur écrans. Cocorico !
Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans le cahier Religion & spiritualité de La Croix du 17/05/2024)