Nimbe, auréole, couronne… Paré d’or ou d’argent, le cercle, signe du ciel et de l’attribut divin, marque la tête des figures touchées par la grâce. Quitte à s’allier au carré pour, transformé en amande, sublimer le mystère.
(Article initialement paru dans le cahier spiritualité de La Croix du 07/04/2024)
C’est un disque de lumière tout autour de la tête. Un signe visible pour manifester ce qui ne saurait se voir : le rayonnement spirituel. Dans l’art, le nimbe (du latin nimbus, nuage) forme géométrique parfaite, sans commencement ni fin, ni orientation, orne toutes les figures à qui l’on prête cette qualité exceptionnelle : Jésus et Marie bien sûr mais aussi, au fil de l’histoire, saints, papes, empereurs et anges. L’auréole, terme souvent synonyme, mais qui peut englober l’ensemble du corps, est souvent attachée à ces créatures célestes, comme sur le fameux Saint Michel terrassant le dragon de Raphaël (1503-05).
La fonction du nimbe est chantée dans le psaume 8 « Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, /le couronnant de gloire et d’honneur » et sa présence est attestée dès l’Antiquité, dans l’iconographie des rois solaires indo-iraniens. Égyptiens, Grecs et Romains usaient déjà de cette forme pour représenter leurs dieux et déesses, toujours présente avec de nombreuses représentations de Bouddha. Symbole de pouvoir, Constantin en était paré sur les pièces de monnaie romaines, tradition conservée pour les empereurs byzantins.
Dans le christianisme, le nimbe signifie particulièrement la sainteté acquise. Dès le début de la Renaissance, les artistes italiens commencent à le représenter en perspective, comme pour renforcer la dimension physique de sa manifestation, à la manière de Botticelli et de sa magnifique Vierge à l’Enfant avec deux anges (1468-69).
Des couleurs et des formes
L’étymologie de l’auréole, du latin aureola, couronne d’or, renvoie à sa couleur, traditionnellement jaune d’or. Une référence à la grandeur du soleil, ordonnateur du cosmos, présente dans les mythes antiques, que le Christ reprend et incarne. Celui-ci est souvent distingué par un nimbe crucifère, avec les trois bras d’une croix rouge inscrite dans le cercle dépassant de sa tête, marque de la Trinité.
Marque du parcours apparent des étoiles autour du pôle céleste, le cercle synthétise tout ce qui en vient. Il s’oppose symboliquement au carré, signe de la terre et de la matérialité. C’est pourquoi le nimbe peut être, plus rarement, rectangulaire si le personnage qu’elle accompagne est encore vivant. Un bel exemple est fourni par la mosaïque représentant, sur les murs de l’église Sainte-Cécile de Rome, le portrait de son fondateur, le pape Pascal Ier.
Entre cercle et carré, la mandorle est une troisième forme qui concilie les deux pôles. Ellipse à deux foyers donnant un contour ovale comme une amande (mandorla en italien), elle enveloppe le corps de la figure dans son entier, tel le Christ en gloire sculpté sur la face de la cathédrale de Chartres. Elle signale la nature divine cachée dans la nature humaine, comme l’amande dans sa cosse. Amande (amygdale en grec) qui a aussi une autre signification : celui de l’impossibilité d’accéder à un trésor. La lumière s’échappant certes de l’intérieur du corps mais restant « nimbée de mystère » comme le dit l’expression… L’homme, pourtant, ne cesse de vouloir la rejoindre. La tonsure des moines, telle une couronne à même la peau, témoigne ainsi de cette vie consacrée à la recherche de Dieu.
Signe de perfection devenu commun, nimbes et auréoles infusent la culture populaire. Dans les aventures de Tintin, Hergé représente souvent la bonne conscience de Milou par un double auréolé. Et dans le manga Dragon Ball d’Akira Toriyama, le héros principal, Son Goku, porte un discret anneau de lumière une fois passé à trépas. La ronde sainteté se loge donc bien jusque dans les cases.