La présence de coquilles d’escargots dans les tombeaux de l’Antiquité des chrétiens et des martyrs de la Gaule et de l’Italie s’explique par le symbole de Résurrection incarné par le gastéropode. Notre première chronique « Tout un symbole » à la redécouverte du symbolisme chrétien, publiée dans La Croix.
Qui soupçonnerait l’escargot, en l’observant chercher tranquillement l’ombre de nos jardins, de transporter avec lui l’imposante question de la Résurrection ? C’est pourtant bien l’une de ses nombreuses significations symboliques, à côté de la lenteur, de la féminité, de la force et de la modestie (portant seul sa coquille, son unique possession).
En 1884, le naturaliste français Arnould Locard signalait dans son Histoire des mollusques dans l’Antiquité la présence dans les tombeaux des chrétiens et des martyrs de la Gaule et de l’Italie, « de Gastéropodes marins ou terrestres, entiers ou brisés, fixés à l’intérieur même des cercueils, dans lesquels le cadavre était déposé lorsqu’il n’était pas soumis à la crémation ». On retrouva par exemple en 1853 des coquilles d’escargots dans la tombe de saint Eutrope, premier évêque de Saintes. Un signe de reconnaissance… et d’espérance.
Pourquoi ? Pendant la saison froide, l’escargot hiberne en créant un opercule de calcaire à l’entrée de sa coquille. Il s’enfonce dans la terre ou dans une crevasse pour bénéficier du peu de chaleur disponible et y demeure comme dans un tombeau. Il n’en ressortira qu’au printemps, plein de vie, saison de la résurrection fêtée à Pâques. Une période de trois mois également mise en parallèle avec les trois jours de l’ensevelissement de Jésus avant qu’il ne se relève (sens du mot résurrection).
Si cette pratique, courante, semble avoir disparu après le premier millénaire, le Moyen Âge a conservé l’escargot comme emblème de la résurrection. On le retrouve au XVe siècle dans un livre d’Heures figuré près de la résurrection de Lazare ou sur le bas du portail de méridional la basilique Saint-Rémi de Reims.
Une allégorie de la vie intérieure
Présent sur de nombreuses représentations de pèlerins en chemin vers Dieu, l’escargot est aussi une allégorie d’une vie intérieure « retirée en Dieu » comme dans une coquille au secret. Un état spirituel loin d’être statique et immobile mais toujours en dynamique, comme en témoigne la spirale, forme géométrique formant la carapace du gastéropode et également porteuse d’une riche symbolique.
Motif ouvert, la spirale partant de son point d’origine est comme un labyrinthe sécurisé : un chemin circulaire où on ne peut se perdre, guidé par une confiance présente aux deux extrémités de l’existence. Une évolution douce, prudente, cyclique qui permet de grandir et de se déployer à son rythme. Le double mouvement possible en suivant cette spirale, du centre vers l’extérieur ou de l’extérieur vers le centre, évolution ou involution, renforce encore la thématique de cette tension toujours présente entre vie et mort.
Mais la signification de l’escargot peut aussi être négative. Ainsi, dans le Lévitique (11, 27), gluant et traînant sur le ventre, il est considéré comme impur et rapproché des vers se développant dans les cadavres. Cela fait peut-être beaucoup pour une si délicieuse petite bête !
Stéphane Bataillon
À lire : Bréviaire du colimaçon, Jacqueline Kelen, DDB, 2015
L’escargot, Françoise et Yves Cranga, Éd. du bien public, 1991
L’escargot. Anthologie présentée par Louis Dubost, coll. Le bestiaire divin, Muséum national d’histoire naturelle/Favre, 1998.
(Article initialement paru dans le cahier Religion et spiritualité de La Croix du 8 mars 2024)